Critiques

François Choinière
Photographie : Tam Lan Truong

Lorsque l’on a grandi avec La Bohème et que cette œuvre de Giacomo Puccini a été à l’origine d’un amour pour l’opéra – une véritable passion devrais-je ajouter dans mon cas – une nouvelle présentation de ce drame lyrique est un événement à ne pas manquer. Après avoir assisté aux deux dernières productions scéniques de l’œuvre par l’Opéra de Québec en 2016 et par l’Opéra de Montréal - y compris La Bohème « sous les étoiles » - en 2017 ainsi qu’à la version de concert présentée lors de l’édition 2022 du Festival d’opéra de Saint-Eustache, le soussigné s’est fait un devoir de s’intéresser à la proposition d’une nouvelle version de concert de La Bohème par l’Orchestre philharmonique et choeur des mélomanes (OPCM) et son chef François Choinière.

Le concert avait l’avantage d’être présenté dans l’enceinte d’une Maison symphonique de Montréal dont l’acoustique exceptionnelle peut bien servir une œuvre vocale comme La Bohème. L'événement s'inscrit d'ailleurs dans une saison où la voix avait déjà été mise à l’honneur avec la présentation en novembre 2022 du Requiem de Verdi que le critique Louis Bilodeau avait présenté comme « Un défi relevé avec brio ». La voix sera de nouveau au premier plan avec La Symphonie de la mer de Ralph Vaughn Williams et la participation de Karina Gauvin en mai 2023.

Si ces interprètes servent généralement très bien, comme nous le verrons, la musique de Puccini, il est surprenant que la mise en espace ait amené les sept personnages du drame à chanter et jouer derrière l’orchestre. Dans les versions concertantes d’opéra, l’on place généralement les interprètes devant le chef et ses instrumentistes de façon à permettre à l’auditoire de bien voir les chanteurs et chanteuses et d’apprécier leurs prestations. Du centre au parterre où le soussigné était placé, la vue des  interprètes était obstruée par le chef lui-même et il s’est avéré souvent difficile d’apprécier le jeu dramatique. Et s’agissant des voix, leur projection n’est pas sans être affectée par la distance supplémentaire à franchir et le rideau que constitue l’orchestre. 

Mais, il n’y pas lieu de juger de l’évènement sous l’angle de ce seul élément, car le public a eu droit à des très belles prestations vocales et orchestrales. C’est Andrew Haji qui, dans son rôle de Rodolfo, fait à nouveau preuve d’une belle maîtrise de son art, tant au plan vocal qu’au plan dramatique, comme il l’avait fait dans la version concert d’Il Barbieri di Siviglia à l’Opéra de Québec en mai 2021. On espère l’entendre à nouveau dans ce rôle car il est fait sur mesure pour lui. La soprano Myriam LeBlanc est une digne interprète de Mimi, et elle est à son meilleur dans le troisième acte, et en particulier dans le magnifique air Donde lieta usci. Mais dans l’ensemble et surtout dans le registre aigu, la justesse n’est pas toujours au rendez-vous. Cette version de concert de La Bohème aura par ailleurs été l’occasion d’une belle découverte en la personne de Sydney Baedeke. Incarnant Musetta, la mezzo-soprano canadienne a rendu au personnage par sa fraîcheur et son charme, comme l’illustre son interprétation du Quando me’n vo’, l’un des plus beaux moments de la soirée. Christian Wagner (Marcello), Justin Welsh (Schaunard), Vartan Gabrielian (Colline) Tom Goerz (Benoît / Alcindoro) offrent, sans toutefois véritablement se distinguer, une performance correcte. 

Sous l’habile et énergique direction de François Choinière, les soixante instrumentistes, de l’Orchestre philharmonique ont, tous pupitres confondus, fait honneur à la partition de Puccini, tant dans ses moments de gaité que d’intimité, comme l’ont également fait les membres du Chœur des mélomanes et les Les Petits chanteurs du Mont-Royal.

L’avenir de ce jeune chef de 25 ans est plus que prometteur, et on ne peut qu'espérer qu’il nous propose d’autres opéras en version concert et qu’il offre durant les prochaines saisons au public d’opéraphiles la lecture d’autres incontournables du répertoire pour enrichir l’offre lyrique dans la Métropole.