CRITIQUE - La Bohème au Festival’Opéra de Saint-Eustache Grandes Laurentides
Laurie Tremblay (Mimi) et Louis-Charles Gagnon (Rodolfo) dans La Bohème, Festival'Opéra de Saint-Eustache, 2022
Photographie: André Chevrier
Sous le thème « L’amour passionné vous attend … », la 13e édition du Festival’Opéra de Saint-Eustache Grandes Laurentides (FOSE) mettait à l’affiche La Bohème de Puccini, opéra d’amour par excellence. Ayant pour mission de faire découvrir les œuvres du répertoire lyrique à la population de la grande région métropolitaine de Montréal, le FOSE a visé juste avec le choix de sa production principale. La Bohème est synonyme d’airs magnifiques – dont certains sont très célèbres –, d’un registre varié d’émotions fortes, ainsi que d’une musique splendide. La beauté de l’Église de Saint-Eustache, lieu choisi pour la présentation de la production, conférait un élément de splendeur au spectacle lyrique.
L’œuvre a été présentée dans une mise en espace permettant de saisir l’histoire peu complexe de cet opéra. Quelques chaises, une table, quelques verres à vin et victuailles, ainsi qu’un chevalet sur lequel était installé une toile ont servi à transformer l’avant de la nef en appartement d’artistes, où se déroule le premier acte de l’opéra. Un lit a bien évidemment été ajouté pour la scène finale, afin que puisse s’y coucher l’agonisante Mimi. Les costumes étaient simples : chemises, vestons, robes, manteaux et l’éternel châle de la protagoniste ont permis au public de bien suivre les divers déplacements qu’effectuent les personnages entre les actes.
En ce qui a trait à de l’interprétation, il incombe d’abord de souligner la performance extraordinaire de la pianiste Louise-Andrée Baril, la femme-orchestre de la production. Comme les artistes lyriques n’étaient accompagnés que du piano, ce sont les deux mains de Baril qui devaient transmettre toute la puissance de l’orchestre puccinien – et on peut dire que le défi a été relevé avec brio! Cette version dépouillée de la partition orchestrale a certainement mis en valeur toute la richesse harmonique de cette composition, et le jeu limpide et rempli d’intention musicale offert par Baril donnait aux harmonies leurs diverses couleurs. Agissant également comme directrice musicale, elle a su guider durant plus de deux heures les neuf artistes lyriques qui constituaient la distribution.
Louise-Andrée Baril, dans La Bohème, Festival'Opéra de Saint-Eustache, 2022
Photographie: André Chevrier
Le duo principal constitué de Laurie Tremblay (Mimi) et Louis-Charles Gagnon (Rodolfo) a donné lieu à de doux moments musicaux. Le clou du spectacle a été sans l’ombre d’un doute leur duo à la fin du troisième acte, rempli de passion et de sincérité. En confiance dès sa première intervention, le ténor Gagnon a pour sa part livré un « Che gelida manina » solide et bien senti – et c’est dans l’interprétation du célèbre air d’amour que l’on a vu apparaître complètement son personnage. Sa comparse a quant à elle brillé par la clarté de sa déclamation et le timbre à la fois rond et velouté de sa voix. On regrette cependant un vibrato trop serré durant les deux premiers actes qui, à certains moments, a affecté la justesse de ses interventions.
À ce sujet, il convient de mentionner que bien que la qualité de l’acoustique de l’Église de Saint-Eustache ait été saluée par la directrice artistique du FOSE Leila-Marie Chalfoun dans son allocution d’ouverture – on se souvient que l’Orchestre symphonique de Montréal y a effectué plusieurs enregistrements sous la baguette de Charles Dutoit –, elle ne convient pas tout à fait à une production lyrique. L’écho important qui caractérise l’endroit privait de clarté certaines interventions, surtout lors des airs de groupe. Le choix de placer le piano à l’avant complètement a d’ailleurs probablement affecté ce paramètre sonore : on perdait parfois les artistes lyriques au profit des notes graves de l’instrument.
Micah Schroeder (Marcello) et Marie-Claire Drolet (Musetta) se sont démarqués par la qualité de leur jeu scénique, conférant ainsi au couple excentrique le caractère haut en couleur qui le représente. Leurs timbres vocaux respectifs convenaient à leur personnage : puissant chez Schroeder, cristallin chez Drolet. Samuel Tremblay (Schaunard) et Marcel Beaulieu (Colline) ont bien accompagné les couples dans leurs péripéties; il importe d’ailleurs de souligner la coquetterie de la petite danse qui accompagnait le quatuor du quatrième acte. Jean-Philippe McClish (Benoît, Alcindoro, le douanier) a interprété à merveille ses trois personnages. On regrette qu’il n’ait pas tenu l’un des rôles principaux. Finalement, bien qu’il soit un peu curieux que le chœur d’enfants ait été substitué par deux soprani, Clémence Gayton et Arina Mireille ont toutes deux bien chanté.
Marie-Claire Drolet (Musetta) et Jean-Philippe McClish (Alcindoro) dans La Bohème, Festival'Opéra de Saint-Eustache, 2022
Photographie: André Chevrier
Le public a de toute évidence passé une excellente soirée à l’Église de Saint-Eustache – comme en ont témoigné les nombreux « bravos » provenant de l’assistance à la fin de la représentation. La production principale de la 13e édition du FOSE constitue donc une réussite : après tout, qui peut résister au charme de La Bohème?
Micah Schroeder (Marcello), Samuel Tremblay (Schaunard), Louis-Charles Gagnon (Rodolfo) et Marcel Beaulieu (Colline) dans La Bohème, Festival'Opéra de Saint-Eustache, 2022
Photographie: André Chevrier
La Bohème
Opéra en quatre actes sur un livret de Guiseppe Giacosa et Luigi Illica, musique par Giacomo Puccini
- Production
- FestivalOpéra de Saint-Eustache
- Représentation
- Église de Saint-Eustache , 7 juillet 2022
- Direction musicale
- Louise-Andrée Baril
- Interprète(s)
- Laurie Tremblay (Mimi), Louis-Charles Gagnon (Rodolfo), Micah Schroeder (Marcello), Marie-Claire Drolet (Musetta), Marcel Beaulieu (Colline), Samuel Tremblay (Schaunard), Jean-Philippe McClish (Benoit, Alcindoro, douanier), Clémence Gayton (Parpignol), Arina Mireille (Parpignol)
- Mise en espace
- Philippe Robert
- Pianiste
- Louise-Andrée Baril