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CRITIQUE - Requiem de Verdi : Un défi relevé avec brio

CRITIQUE - Requiem de Verdi : Un défi relevé avec brio

Photographie : Tam Photography

Grandiose messe des morts aux atmosphères extrêmement contrastées, le Requiem de Verdi constitue à ce jour le projet le plus ambitieux réalisé par l’Orchestre Philharmonique et le Chœur des Mélomanes, fondés en 2016. Nullement intimidé par les effectifs colossaux que l’œuvre réclame, Francis Choinière a prouvé hors de tout doute qu’il possède autorité, précision et sensibilité musicale, toutes qualités qui font l’étoffe des excellents chefs et qui ne sauraient que s’affirmer avec le temps. Eu égard à la jeunesse de la phalange orchestrale et du chœur, cette Messa da Requiem fut intense et souvent très émouvante, à défaut de proposer une interprétation inoubliable.

À l’actif de Francis Choinière, il faut mettre en avant un enthousiasme communicatif qui embrase l’ensemble des musiciens et des choristes. À cet égard, les grands débordements terrifiants lui conviennent à merveille, comme en témoignent un magnifique Dies irae et surtout un Tuba mirum à proprement parler apocalyptique, avec les trompettes judicieusement placées non pas en coulisses comme c’est souvent le cas, mais plutôt de chaque côté des loges mezzanine. L’effet d’écho est saisissant et fait irrésistiblement penser à celui obtenu par Berlioz dans son propre Requiem (1837). Si les cuivres se déchaînent avec une véhémence tout à fait appropriée dans ces pages on ne peut plus dramatiques, ils ont malheureusement tendance à jouer presque toujours trop fort, entraînant de fâcheux déséquilibres entre les différents pupitres de l’orchestre. En revanche, cordes et bois n’appellent que des éloges, en particulier les flûtes, clarinettes et bassons qui s’entremêlent bellement aux chanteurs et concourent à l’atmosphère méditative de Quid sum miser et de l’Agnus Dei. Comptant une centaine de membres, le Chœur des Mélomanes se distingue par son homogénéité et son souci constant apporté aux nuances.

Photographie : Tam Photography

Du quatuor de solistes, c’est d’abord la soprano Aline Kutan qui retient l’attention, par le raffinement exquis de son chant, d’une grâce angélique. Son format vocal ne correspond évidemment pas à celui du grand soprano lirico-spinto verdien possédant un grave bien nourri et réussissant à percer sans difficulté à travers les masses chorales et orchestrales du Libera me, mais la cantatrice compense son volume sonore relativement modeste par la pureté du timbre, sa suprême intelligence musicale et ses aigus éthérés. Elle possède de surcroît la qualité rare de fondre parfaitement sa voix avec celle des autres chanteurs, en particulier dans le Recordare et l’Agnus Dei, avec Rose Naggar-Tremblay. Celle-ci fait entendre un instrument opulent dont le grave et le médium somptueux ne peuvent toutefois complètement faire oublier un aigu moins épanoui et quelques intonations approximatives. Cela étant, elle donne beaucoup de caractère à son Liber scriptuset sait conférer au Lacrymosa toute sa charge émotionnelle. Le ténor Adam Luther fait valoir ses solides moyens dans un vigoureux Ingemisco, où l’on souhaiterait toutefois davantage de suavité, tout comme dans le Hostias, qui manque un peu d’intériorité. Pour sa part, le baryton-basse Vartan Gabrielian impressionne dès le Kyrie par ses splendides couleurs vocales qui conviendraient idéalement à Philippe II (Don Carlos). Son Confutatis fut comme il se doit majestueux et d’une grande justesse d’expression. Il sera sûrement un remarquable Colline dans La Bohème, prochain concert de l’Orchestre Philharmonique (20 janvier 2023), dans lequel Francis Choinière pourra nous prouver une nouvelle fois ses affinités évidentes avec le répertoire italien de la seconde moitié du XIXe siècle.

Requiem de Verdi

ORC : Orchestre Philharmonique et Chœur des Mélomanes
CHO : Chœur de l’Orchestre Philharmonique et Chœur des Mélomanes

Production
Orchestre Philharmonique et Chœur des Mélomanes
Représentation
Place des arts, Maison symphonique , 13 novembre 2022
Direction musicale
Francis Choinière
Interprète(s)
Aline Kutan (soprano), Rose Naggar-Tremblay (mezzo-soprano), Adam Luther (ténor), Vartan Gabrielian (baryton-basse)
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