Critiques

CRITIQUE- Opéra McGill : une rentrée sous le signe de la clémence

CRITIQUE- Opéra McGill : une rentrée sous le signe de la clémence

Olivier Gagnon (Tito)
La Clemenza di Tito de Wolfgang Amadeus Mozart
Opéra McGill, 2019
Photographie : Tam Lan Truong)

Opéra McGill a présenté cette semaine La Clémence de Titus, opéra composé par Mozart à la fin de sa vie, suite à une commande de l’Opéra de Prague pour le couronnement de Léopold II. Dans un bouillon révolutionnaire qui voit les têtes royales tomber, Mozart choisit de dépeindre la figure du chef d’État bon et magnanime, que l’on peut retrouver dans des œuvres-clés tels le De Clementia de Sénèque et Cinna ou La Clémence dAuguste de Corneille, qui ont inspiré le livret de Mazzolà. Musicalement, c’est un défi de taille lancé aux étudiants. Qualifiée parfois de « bancale » car composée à la hâte, cette œuvre requiert de la part des interprètes une bonne dose de subtilité et d’engagement dans leur personnage pour le rendre crédible. On peut dire que c’est une réussite globale, sans être un triomphe.

L’ouverture majestueuse est très bien conduite et interprétée par l’ensemble de chambre Pronto Musica et le chef Stephen Hargreaves : inflexions, accents et lignes mélodiques sont déjà teintées de l’aspect contrasté caractéristique de cet opéra. Sur scène, le chœur entre en un défilé maladroit aux allures d’événement politique, un clin d’œil aux talents propagandistes du père de Titus, Vespasien, qui n’a comme effet que de distraire inutilement l’auditeur. Les parties instrumentales ont été pensées par Mozart et Mazzolà pour contrecarrer la monotonie de l’alternance récitatif-aria de l’opera seria conventionnel et donner l’espace aux personnages pour révéler leur nature. Malheureusement, cet aspect n’a pas été pris en compte dans la production, avec des chanteurs souvent immobiles dans les passages instrumentaux ou des « remplissages » maladroits dans la mise en scène.

         Malgré cela, les chanteurs nous ont offert des performances vocales très agréables. Maddie Studt a incarné à merveille Sesto, personnage qui transite entre fidélité et trahison envers son empereur et ami, entre amour pour Vitellia et remords vis-à-vis de ses propres actes. La voix est sublime, tout en maîtrise et en dosage subtil dans les lignes et les directions, les arias sont de véritables moments de liesse. Sa sœur Servilia (Elisabeth Boudreault) brille sur scène par sa présence radieuse, son timbre rond ainsi que son vibrato rapide et léger, très bien dosé. Le duo exalté « Ah, perdona al primo affetto » est une petite merveille qui donne l’ampleur de ses talents, ainsi que de ceux d’Éva-Marie Cloutier qui interprète Annio avec charme, sincérité et une petite dose d’humour tout à fait bienvenue. Olivier Gagnon, par son attitude et sa présence vocale, nous montre un Tito imposant le respect et sachant se faire aimer grâce à des décisions sages et réfléchies. Parfois pensif, impulsif, il sait rester dans le droit chemin et traverser cette production avec succès. Vitellia, figure centrale de l’opéra, est un personnage très complexe, oscillant entre orgueil et remords. Contrastée, parfois incohérente, elle est un défi ou un piège pour celle qui l’incarne. Dans cet exercice, Avery Lafrentz s’en est plutôt bien sortie. Sa voix puissante et directe lui permet des accents et nuances, dans les arias comme dans les récitatifs, qui révèlent sa confusion intérieure. Pour autant, le jeu n’est pas à la hauteur de la performance vocale, si bien que les différents stades de l’évolution du personnage (ambition, manipulation, remords et culpabilité) ne sont pas perceptibles. D’un point de vue général, on aurait souhaité que le jeu des acteurs bénéficie de plus d’attention dans la préparation de cette production.

Le chœur, niché sur des marches en fond de scène, est homogène et efficace, tandis que l’orchestre semble maîtriser les inflexions de l’écriture mozartienne, même si le son s’essouffle dangereusement au fil des scènes. Quoi qu’il en soit, on peut considérer cette production de La Clémence de Titus comme une réussite. Le choix de l’œuvre reste judicieux; c'est un excellent exercice pour les chanteurs et un élan de fraîcheur pour le public, étant l’un des opéras de Mozart les moins programmés.

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La Clémence de Titus, opéra de Wolfgang Amadeus Mozart en deux actes sur un livret de Pietro Metastasio et de Caterino Mazzolà  

Production : Opéra McGill
Salle Pollack, 8 novembre 2019

INT : Olivier Gagnon (ténor), Avery Lafrentz (soprano), Maddie Studt (soprano), Éva-Marie Cloutier (soprano), Elisabeth Boudreault (soprano) et Paxton Gillespie (basse).
DM : Stephen Hargreaves
MES : Michael Hidetoshi Mori
ORC : Pronto Musica

Production
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