Critiques

UNE FILLE AIMABLE ET SAGE

UNE FILLE AIMABLE ET SAGE

(Photo : La Fille du tambour-major d’Offenbach, Opéra bouffe du Québec, 2019)

En écoutant La Fille du tambour-major, on a du mal à croire que ces joyeuses mélodies ont été composées en même temps que les chants bouleversants des Contes d’Hoffmann. Offenbach aura le temps de voir triompher sa dernière opérette en décembre 1879, mais mourra en octobre 1880, quelques mois avant la première des Contes.

L’amateur d’Offenbach repense aussi à un autre de ses grands succès : La Grande-duchesse de Gérolstein (1867), satire antimilitariste très mordante où tous sont ridiculisés, de la souveraine au soldat, en passant par les généraux. Douze ans plus tard, Offenbach signe avec La Fille du tambour-major une œuvre tout à fait cocardière, mettant en scène sans aucune ironie un moment glorieux de l’histoire de France, allant jusqu’à citer textuellement Le Chant du départ d’Étienne Nicolas Méhul et Marie Joseph Chénier, un hymne patriotique datant de la Révolution, aussi chargé politiquement que La Marseillaise.

Une fois ces étonnements passés, on savoure avec plaisir cet opéra-comique un peu sage, mais très enjoué, mis en scène de même, c’est à dire que le spectacle aurait bénéficié d’un petit supplément de folie. Les personnages franchement comiques que sont Claudine et Griolet en souffrent un peu : leurs interprètes chantent à merveille, mais ils pourraient faire rire davantage. Le couple d’amoureux s’en tire mieux, surtout avec Pierre Rancourt qui maîtrise à la perfection ce rôle de jeune premier. Il chante et joue avec juste ce qu’il faut d’humour, le tout sous le signe de l’élégance. Dans le rôle-titre, Lucie St-Martin fait montre de beaucoup d’énergie et d’espièglerie, sa grande fraîcheur trahissant parfois un rien d’inexpérience. La distribution est luxueuse jusque dans les rôles qui ont moins à chanter, comme les parents de l’héroïne, très bien joués par Simon Chaussé et Rose Naggar-Tremblay, ou le noble ridicule qu’incarne avec brio Éric Thériault. 

Les minces réserves évoquées ici n’empêchent pas de saluer un autre très bon spectacle de l’OBQ, qui a de plus, le mérite de clore en beauté l’année du bicentenaire de la naissance d’Offenbach.

La Fille du tambour-major

Opéra-comique de Jacques Offenbach en trois actes et quatre tableaux sur un livret d’Alfred Duru et Henri Chivot.

Production
Opéra bouffe du Québec
Représentation
Maison des Arts de Laval , 10 novembre 2019
Direction musicale
Simon Fournier
Instrumentiste(s)
Orchestre de l'Opéra bouffe du Québec
Interprète(s)
Lucie St-Martin (Stella), Simon Chaussé (Monthabor), Pierre Rancourt (Lieutenant Robert), Klara Martel-Laroche (Claudine), Guillaume Beaudoin (Griolet), Éric Thériault (Duc della Volta) et Rose Naggar‑Tremblay (Duchesse della Volta), Choeur de l'Opéra bouffe du Québec
Mise en scène
Alain Zouvi
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