Critiques

OCM- Julie Boulianne et l'art lyrique des Premières nations

OCM- Julie Boulianne et l'art lyrique des Premières nations

Julie Boulianne
Photographie : Annette B. Woloshen

Après un mémorable le concert « De Yerevan à Montréal » dont vous pouvez lire la critique du soussigné ici, l'Orchestre classique de Montréal (OCM) poursuivait le 30 mars dernier « Le tour du monde » entrepris dans le cadre de sa saison 2020-2021 qui n’aura connu aucune interruption, ni report, ce qui est tout à l’honneur de sa direction musicale et artistique.

Présentant un concert mettant en valeur trois compositeurs et une compositrice sur le thème « Les Quatre saisons », l’OCM offrait à son public, comme il le fait sur une base annuelle, l’occasion de découvrir la musique de compositeurs et compositrices autochtones. Pour ce concert, ce sont des oeuvres de Barbara Croall et Tomson Highway appartenant respectivement aux nations Anishinaabe (Odawa) et Cri qui étaient au programme. De la première, l’OCM avait déjà crée - et joué à Montréal et Kahnawake en 2018 - Saia’tatokenhti une oeuvre orchestrale multimédia inspirée de la vie sainte Kateri Tekakwita. C’est pour interpréter une pièce vocale de Barbara Croall, la chanson Zasakwaa (Gel intense), que l’OCM avait invité cette fois-ci la mezzo-soprano québécoise Julie Boulianne, confiant à la flûtiste Naama Neuman le soin d’accompagner la soliste avec les musiciens et musiciennes de l’OCM.

Inspirée de la cosmologie Anishinaabe et de souvenirs d’enfance de la compositrice, l’oeuvre en est une où la mezzo-soprano représente l'ancien esprit féminin de de l’île Mindemoyenh (Vieille femme), alors que la flûtiste est une figure transformationnelle, représentant les vents froids et le souffle élémentaire de la vie. Elégante comme elle l’est toujours et chantant dans une langue autochtone qu’elle s’est efforcée d’apprivoiser, Julie Boulianne interprète cette pièce avec sobriété. Belle et maîtrisée, sa voix semble épouser, comme  l’oeuvre le veut, le contour de la forme de l'île Mindemoyenh, évoquant aussi cette vieille femme allongée sur le dos et endormie. Les dialogues que la partition propose entre la chanteuse et la flûtiste sont également fort beaux et le son de l’instrument de Naama Neuman se rapproche assurément de celui de la flûte de cèdre Anishinaabe (pipigwan) lorsque la musicienne reproduit des cris d’oiseaux. Ensemble, les deux artistes nous font ainsi entrer dans ce sommeil du rêve ou cette hibernation hivernale que la compositrice Barbara Croall a cherché à traduire en musique dans Zasakwaa.

Boris Brott et Julie Boulianne
Orchestre classique de Montréal
30 mars 2021
Photographie : Annette B. Woloshen

Composée en langue anglaise et arrangée par François Vallières, la pièce Some Say a Rose (Certains disent une rose) de Tomson Highway permet aussi à Julie Boulianne de prêter sa voix à la prose d'un artiste qui est aussi pianiste, dramaturge et écrivain. La sentimentalité est au-rendez vous dans l’interprétation de cette chanson tirée de la comédie musicale Songs from The (Post) Mistress et la prestation de Julie Boulianne convainc que celle-ci peut aussi exceller dans le répertoire de la musique de cabaret. On aurait voulu l’entendre interpréter la chanson en langue crie Taansi Nimiss ainsi que Quand je danse, les paroles de cette dernière chanson tendant à rappeler que la comédie musicale dont elle est tirée s’inspire de l’histoire de Marie-Louise Painchaud, l'amusante factrice du bureau de poste de la ville fictive de Lovely, en Ontario !

Le concert avait débuté avec le Concerto grosso en ré mineur d’Antonio Vivaldi sous la direction musicale de Xavier Brossard-Ménard qui assume la fonction de chef-assistant de l'OCM durant la présente saison. saison. Il a habilement accompagné les musiciens et musiciennes de l’OCM dans cette « mignardise italienne » et sa gestique n’est pas sans rappeler celle d’un certain Yannick Nézet-Séguin, ce qui annonce une carrière prometteuse. Si l’interprétation du Concerto no 1 en mi majeur d’Antonio Vivaldi, mieux connu comme La primavera (Le printemps) du grand hymne à la nature que sont Le quattro stagioni (Les Quatre Saisons), ne manquait pas d'intérêt, le grand moment instrumental du concert aura été sans nul doute l’interprétation des Cuatro estaciones porteñas (Les quatre saisons) d’Astor Piazzola. Boris Brott a dirigé son orchestre avec assurance, insufflant à son orchestre cette énergie qui est requise pour que l'interprétation de cette oeuvre du compositeur argentin dont on célèbre en 2021 le 100e anniversaire de naissance soit pleinement réussie. Le violon solo de l’OCM, Marc Djokic, s’est à nouveau distingué dans cette oeuvre, comme il l’a fait toute au long d’un concert dont il faut souligner, comme pour le précédent concert,  la diversité  et la richesse du programme.

***** 

LES QUATRE SAISONS : Piazzolla, Vivaldi, Croall et Highway

30 mars 2021 (en webdiffusion jusqu’au 13 avril)
Salle Pierre-Mercure

INT : Julie Boulianne, mezzo-soprano
INS : Naama Neuman, flûte
ORC : Orchestre classique de Montréal
DM : Boris Brott et Xavier Brossard-Ménard

Production
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