Critiques

Un truculent barbier

Un truculent barbier

Pour la troisième fois de son histoire, l’Opéra de Québec proposait en mai dernier un jalon du répertoire opératique, Le Barbier de Séville de Rossini, dont la dernière présentation remontait à 2002. Le directeur Grégoire Legendre a pour l’occasion fait appel à une production « clé en main » du Pacific Opera Victoria, présentée en février 2016 avec une équipe dont faisaient notamment partie Figueroa et McGillivray. Dès l’ouverture du rideau, le singulier décor pastel de Ken MacDonald, dont le dessin en courbes et en filigranes aurait pu être d’Alfred Pellan, attire le regard. On aime ou on n’aime pas, mais il s’agit assurément d’une des scénographies les plus audacieuses présentées à Québec depuis des années en saison régulière. 

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Au plan vocal, un nom domine la production : celui d’Armando Noguera. Le baryton argentin, principalement actif en France, brûle littéralement les planches avec son incarnation colorée du rôle-titre. Parfaitement contrôlée (hormis la fâcheuse habitude d’émettre des voyelles d’appui avant certains aigus), sa voix mâle et brillante convient à merveille au répertoire rossinien. Julie Boulianne campe quant à elle une Rosina déterminée et intelligente, dont la voix, splendide, pâtit toutefois – à la première du moins – de quelques problèmes d’intonation dans « Una voce poco fa ». Son vis-à-vis, le ténor Antonio Figueroa déçoit toutefois grandement dans le rôle d’Almaviva. Malgré la beauté du timbre, l’agilité de la voix et le raffinement musical manifeste de l’artiste montréalais, le chant demeure nettement trop contenu et peine à passer par-dessus l’orchestre. L’émission semble beaucoup trop concentrée dans le masque et manque singulièrement d’ancrage au niveau de la poitrine. Si le passage semble éteint, les suraigus sont encore plus difficiles, avec un contre-ut manqué dans « Ecco ridente in cielo ». Le jeu est à l’avenant.

Les rôles secondaires sont en général habilement exécutés, en particulier celui de Basilio, assuré par la basse Jamie Offenbach qui, malgré des consonnes qui manquent parfois de tonus, offre une « Calunnia » d’anthologie. Dans Bartolo, le baryton Peter McGillivray, qui ne pourrait avoir davantage le physique de l’emploi, livre une prestation très honnête, en particulier dans les récitatifs. Son air « A un dottor della mia sorte » souffre toutefois d’aigus quelque peu rengorgés et de problèmes d’intonation. Malgré un vibrato un peu large, Geneviève Lévesque incarne une énergique Berta et Dominic Veilleux fait un parfait Fiorello.  La mise en scène bien rythmée de l’Albertain Morris Panych fait florès, en particulier dans le second acte, avec une leçon de musique d’une savoureuse drôlerie. Dans la fosse, le chef Timothy Vernon insuffle une énergie certaine à l’Orchestre symphonique de Québec. Son sens de la ligne et son écoute attentive des chanteurs en fait un accompagnateur idéal. Si la première section de l’Ouverture était à mon sens trop rapide (Vernon prend l’indication andante un peu trop au pied de la lettre), l’ensemble du morceau reste toutefois animé d’une irrésistible urgence. Au final, une soirée tout à fait satisfaisante, malgré les quelques bémols relevés ici et là. 

Il Barbiere di Siviglia (Le Barbier de Séville)

Opéra en deux actes de Gioacchino Rossini, livret de Cesare Sterbini d’après la comédie de Beaumarchais

Production
Opéra de Québec
Représentation
Grand Théâtre de Québec, salle Louis-Fréchette , 13 mai 2017
Direction musicale
Timothy Vernon
Interprète(s)
Armando Noguera (Figaro) ; Julie Boulianne (Rosina); Antonio Figueroa (Alamaviva) ; Peter McGillivray (Bartolo) ; Jamie Offenbach (Basilio) ; Geneviève Lévesque (Berta) ; Dominic Veilleux (Fiorello)
Mise en scène
Morris Panych
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