Critiques

COMPTE RENDU – Croiser les récits avec Voces Boreales

COMPTE RENDU – Croiser les récits avec Voces Boreales

2025 marque le début de la vingtième saison du chœur professionnel Voces Boreales, fondé par Michael Zaugg et dirigé depuis maintenant dix ans par Andrew Gray. Le concert d’ouverture donné samedi soir s’alignait avec la mission actuelle de l’ensemble, qui est de faire la promotion et la diffusion de musique principalement canadienne et/ou actuelle. En quête de paix rassemblait des œuvres de compositeurs et compositrices de plusieurs horizons, avec des textes issus de langues variées, mais dont les thèmes gravitaient dans une proximité choisie : la grâce, le partage et le don de soi. Pour reprendre les termes de Marshall Macluhan, le médium choisi ici – un concert choral accompagné à l’orgue et donné dans un lieu hautement spirituel – communiquait très bien le message !

Les notes de programme (bien fournies, ce qui permettait au chef de chœur d’enchaîner les pièces sans avoir à les présenter) précisaient que Friede auf Erden d’Arnold Schoenberg constituait la pièce centrale du concert, en raison de sa difficulté technique, de la portée du texte et de sa notoriété. Pourtant, n’étant arrivé qu’en deuxième partie du concert, elle semble avoir été éclipsée par Przybądź Duchu Święty du compositeur polonais Henryk Mikołaj Górecki, interprétée en première partie : le message répété puis presque chuchoté à la fin de la pièce, « veni sancte spiritus », qui se répercutait dans les murs de l’Église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, a eu un effet tel sur le public que le silence régnait – aucun toussement ni raclement de gorge, que des soupirs d’émotion.

L’organiste Henry Webb, lauréat du second prix du Concours international d’orgue du Canada (CIOC) en 2024, n’était pas en reste puisqu’il a été sollicité à trois reprises : au début du concert pour Seek Him that Maketh the Seven Stars de Jonathan Dove, dont la partition d’orgue était particulièrement saisissante en raison de la variation entre les accords plaqués et les arpèges des jeux plus aigus ; puis avant l’entracte, pour jouer, seul, Adoration de Florence Price (une œuvre inconnue qui n’a été découverte qu’en 2009) ; enfin, en conclusion, pour Mother and Child de John Tavener, pièce qui demandait d’ailleurs l’usage percussif d’un bol tibétain, ce qui donnait un son hybride entre un gong et une cloche, plutôt hypnotisant. Tout au long du concert, le travail des nuances, de la polytonalité et de la résonance de l’ensemble était solide, témoignant de l’excellence des choristes.

Andrew Gray n’a pris la parole qu’à la fin du concert pour remercier le public et le comité organisateur du concert, et pour rappeler l’importance des arts dans le tissu social et dans le patrimoine culturel d’une communauté. Ce message prenait encore plus de sens dans le lieu de ce concert ; l’Église du Très-Saint-Nom-de-Jésus avait été fermée au public en 2009 en raison de sa surutilisation, avant d’être réouverte parallèlement aux travaux de réfection majeurs entrepris en 2013. Le chœur a conclu la soirée avec Vision Chant du compositeur cri Andrew Balfour en guise de rappel. Son caractère rythmé et évocateur se démarquait certainement du reste du programme, ne manquant pas de se faire l’évocation du rapport particulièrement traumatisant qu’a entretenu l’Église catholique auprès des Premières Nations du Canada, ce qui explique probablement le choix de la présenter en guise de rappel. Quelque part, cette œuvre touchait elle aussi à ce large thème de la quête de la paix. Plusieurs récits s’entremêlaient au sein du programme proposé par Voces Boreales : celui d’une compositrice afro-américaine qui reçoit l’essentiel de sa reconnaissance posthumément, celui d’un compositeur cri qui nomme sa blessure culturelle et générationnelle, celui d’un jeune Schoenberg qui n’avait pas encore vécu les horreurs de la guerre. Parmi la multiplicité de ces expériences humaines traduites en musique, Voces Boreales est parvenu à tracer un filon commun composé de résilience et d’espoir avec habileté et compassion. On ne peut qu’être déçus que le prochain concert n’arrive qu’en juin 2026 !

Pour en savoir plus sur le chœur Voces Boreales, nous vous invitons à consulter le Profil qui lui est consacré dans le numéro 39 de L’Opéra tout récemment sorti en kiosque !

Photographie : Alexia Jensen (Voces Boreales)

En quête de paix

Concert choral

Production
Voces Boreales, Concours international d'orgue du Canada (CIOC)
Représentation
Église du Très-Saint-Nom-de-Jésus , 18 octobre 2025
Direction musicale
Andrew Gray
Organiste
Henry Webb
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