Critiques

Opéra de Montréal – Poésie et beauté des petites choses : La bohème de Puccini

Opéra de Montréal – Poésie et beauté des petites choses : La bohème de Puccini

Frédéric Antoun (Rodolfo) et Lauren Margison (Mimì)
Photographie: Vivien Gaumand

Depuis le 10 mai et jusqu’au 20 mai, l’Opéra de Montréal présente la tendre et douce œuvre La bohème. L’opéra le plus populaire de Giacomo Puccini n’avait pas été programmé par l’institution depuis mai 2017.

Inspiré du roman Scènes de la vie de bohème d’Henri Murger et de sa pièce de théâtre La vie de Bohème, l’opéra de Puccini a été présenté pour la première fois en 1896. Sa création est le résultat d’une rivalité entre le jeune Puccini d’alors et le compositeur Ruggero Leoncavallo, ce dernier ayant toujours affirmé avoir débuté la composition de son propre opéra La bohème le premier. Toutefois, c’est Puccini qui a terminé son travail d’abord, et qui a pu bénéficier de toute l’attention du public. L’opéra a d’ailleurs été un triomphe et est rapidement devenu une œuvre régulièrement programmée un peu partout à l’international. Bien que la pièce de Leoncavallo ait été appréciée du public en 1897, elle est quant à elle rapidement tombée dans l’oubli.

L’histoire de l’opéra est loin d’en être une bouleversante ou rocambolesque. La bohème, qui se déroule dans le Paris hivernal des années 1830-1840, présente la vie de jeunes artistes pauvres, dont l’un vit une histoire d’amour qui finit par la mort de la protagoniste, typique de l’opéra italien de l’époque. Dans cette production de l’Opéra de Montréal, le metteur en scène François Racine s’est contenté d’une mise en scène très typique de l’œuvre. Pas du tout surprenante, cette production baignait dans un environnement assez authentique des productions existantes de ce célèbre opéra, évoquant très bien l’imaginaire parisien de l’époque. Il en va de même pour la conception du décor réalisée par Peter Dean Beck.

Dans la représentation du mardi 13 mai, le ténor Frédéric Antoun, qui tient le rôle de Rodolfo, le protagoniste de l’œuvre, a offert un jeu théâtral et dramatique très convaincant. Si le chanteur a interprété avec virtuosité les airs les plus connus de l’opéra, dans presque tous les passages où le volume sonore de l’orchestre était élevé, les notes basses du ténor étaient totalement perdues dans la masse. Il faut toutefois noter que certains instruments de l’orchestre ont semblé être amplifiés avec des micros, une pratique qui devient un peu trop fréquente à l’opéra. Discutant de l’orchestre, c’est Simon Rivard qui est à la barre de cette production de l’Opéra de Montréal, une première collaboration entre le jeune chef et l’institution. Il a d’ailleurs très bien relevé le défi : s’il y a eu quelques petits moments de cafouillage entre l’orchestre et les chanteurs dans certaines envolées lyriques de l’œuvre – et on sait qu’il y en a plusieurs –, Simon Rivard a unifié l’ensemble avec brio pour rapidement ramener le tout dans l’ordre. Notons au passage que l’orchestre a rendu avec justesse les nombreuses nuances de la partition.

Revenons maintenant aux chanteurs et chanteuses. C’est à la soprano Lauren Margison qu’est revenu le rôle de Mimì. Celle-ci l’a d’ailleurs interprété avec aisance et virtuosité presque tout au long de l’œuvre – seul un accroc mélodique s’est fait ressentir à la toute fin de l’air « O Soave Fanciulla », à la clôture de l’acte 1. Par ailleurs, si son jeu de comédienne a commencé de manière un peu effacée, la soprano s’est tout à fait reprise dans les deux derniers actes de l’œuvre.

Il faut souligner et resouligner l’excellente interprétation du rôle de Musetta d’Andrea Nùñez. La soprano a présenté avec aisance, dynamisme et force son personnage de séductrice au point où elle a volé la vedette de la soirée – les applaudissements et les cris à la fin de la représentation l’ont bel et bien confirmé. De sa scène de recherche d’attention dans le magnifique et coloré acte 2 à sa chicane en éclats dans l’acte 3, tout dans l’interprétation de Núñez était réussi.

John Brancy (Marcello) et Andrea Núñez (Musetta)
Photographie: Vivien Gaumand

Quant aux rôles tenus par John Brancy, Mikelis Rogers et Jean-Philippe McClish, c’est-à-dire Marcello, Schaunard et Colline, ils ont tous été présentés avec virtuosité, générosité, chaleur et émotions. Les scènes entre amis, notamment avec Antoun, ont fait partie des meilleurs moments de la représentation en apportant bien des rires.

Bien que quelques paroles du texte de l’opéra aient bien mal vieilli avec le temps, l’opéra La bohème demeure sans équivoque une œuvre phare dans le répertoire lyrique qui a de quoi plaire aux moins connaisseurs et aux plus grands adeptes de cet art. Si Puccini a dit un jour qu’il aimait être un poète de « petites choses » avec sa musique, c’est en racontant ces « petites choses » d’un quotidien presque banal – à l’époque – qu’il a réussi à en construire le chef-d’œuvre de La bohème.

La bohème

Opéra en quatre actes de Giacomo Puccini sur un livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica
Opéra de Montréal

Production
Opéra de Montréal
Représentation
Salle Wilfrid-Pelletier de la Place-des-Arts , 13 mai 2025
Direction musicale
Simon Rivard
Instrumentiste(s)
Orchestre Métropolitain et Choeur de l'Opéra de Montréal
Interprète(s)
Lauren Margison (Mimì), Frédéric Antoun (Rodolfo), John Brancy (Marcello), Andrea Núñez (Musetta), Mikelis Rogers (Schaunard), Jean-Philippe McClish (Colline), Valerian Ruminski (Alcindoro/Benoît), Angelo Moretti (Parpignol), Jamal Al Titi (Un sergent)
Mise en scène
François Racine
Partager: