Critiques

Festival d'opéra de Québec - La folle Vie parisienne de l'Opéra de Québec

Festival d'opéra de Québec - La folle Vie parisienne de l'Opéra de Québec

La vie parisienne, Festival d'opéra de Québec, 2024
Photographie: Jessica Latouche

L’Opéra de Québec a couronné son 13e Festival annuel les 2, 3 et 4 août avec La vie parisienne de Jacques Offenbach, une œuvre qui n’avait pas été représentée par la compagnie depuis 2013. Ce feu d’artifice visuel et musical succédait à une diversité de spectacles originaux allant de l’opéra pour enfants au drame mêlant chant et théâtre, en passant par une trentaine d’activités gratuites en plein air.

La mise en scène du Français Jean-Romain Vesperini, dont on garde le souvenir d’un superbe Faust de Gounod en 2022, et qui sera de retour en octobre pour Le Comte Ory de Rossini, de même que la scénographie de son compatriote Bruno de Lavenère, un des collaborateurs de la cérémonie d’inauguration des Jeux olympiques de Paris, ont créé un spectacle à la fois éblouissant et complètement déjanté. Transportée dans les années 1980, loin des froufrous et du cancan chers à Offenbach, cette désopilante Vie parisienne brillait par les paillettes et les couleurs chatoyantes des costumes d’Alain Blanchot, peut-être un peu plus excentriques que les vêtements parisiens de l’époque. Côté décor, un escalier en arche, sur lequel les chanteurs faisaient inévitablement leur entrée et leur sortie, symbolisait la gare du premier acte, avec sa grosse horloge, avant de devenir le point de mire des demeures et du restaurant où est reçu le baron de Gondremarck.

La vie parisienne met en vedette deux joyeux lurons, Bobinet et Gardefeu, amoureux de la sulfureuse et volage Métella, et un couple de touristes suédois, le baron de Gondremarck, qui veut s’offrir du bon temps, et sa femme, plus discrète, certes, mais avec les mêmes intentions. Pour éblouir le baron, Gardefeu puis Bobinet feront passer leurs domestiques et fournisseurs pour des gens de « la haute », avec toutes les facéties et les gaffes que cela peut occasionner.

Une excellente distribution a su tenir le spectateur en haleine : d’une voix toujours en contrôle, le baryton français Jean-Luc Ballestra a donné au baron de Gondremarck un côté à la fois distingué et polisson. On gardera en mémoire son air très explicite quant à ses intentions (« Je veux m’en fourrer jusque-là ») et la scène hilarante de l’enivrement du 3e acte. Le registre étendu et la souplesse vocale du baryton Geoffroy Salvas, récemment applaudi dans le même théâtre pour La chauve-souris présentée par l’Opéra de Québec en mai dernier, et dont il faut souligner la diction impeccable, est un irrésistible Bobinet, notamment dans la scène du 3e acte où, déguisé en amiral, il n’entre plus dans son costume (« Votre habit a craqué dans le dos »). Solide également, l’autre baryton Dominique Côté qui joue sur deux tableaux pour éloigner le baron afin de séduire sa femme. À leurs côtés, un bon trio masculin constitué des ténors Rodolphe Briand et Michel Blackburn, et du baryton aux allures de rocker, Christophe Gay.

Jean-Luc Ballestra (Baron de Gondremarck) dans La vie parisienne, Festival d'opéra de Québec, 2024
Photographie: Jessica Latouche

Côté féminin, superbe comme une star américaine, la mezzo-soprano Julie Boulianne (Métella), avait tout de la femme fatale qui fait perdre la tête aux hommes. Il fallait la voir et l’entendre faire semblant de ne pas connaitre ses amants Bobinet et Gardefeu (« Connais pas ! ») et repousser finalement Gondremarck. Du grand art également avec la soprano Marie-Eve Munger en baronne suédoise voulant aller écouter Montserrat Caballé et Dalida, courir les musées et, pourquoi pas, goûter aux plaisirs de la vie parisienne !

Les personnages recrutés par Gardefeu et Bobinet pour jouer les grandes dames ont été incarnés par des sopranos pleines de tempérament, notamment Mélanie Boisvert, aux aigus puissants et lancés avec aisance (la piquante gantière Gabrielle, transformée en veuve de colonel), et Sophie Naubert, d’un naturel scéniquement remarquable (Pauline, la femme de chambre tentant de séduire le baron). On espère les revoir sur cette même scène.

L’opéra-bouffe accorde beaucoup de place aux ensembles : septuors de solistes bien équilibrés, et chœurs préparés par Catherine-Élisabeth Loiselle qui ne passaient pas inaperçus, notamment dans la gare au premier acte, et dans l’étourdissant finale. On peut toutefois finir par se lasser de les voir se déhancher et se tortiller sans arrêt comme dans une discothèque !

Thomas Le Duc-Moreau, qui avait dirigé en 2022 et en 2023 les Violons du Roy dans les créations proposées par le Festival d’opéra de Québec, retrouvait cette fois l’Orchestre symphonique de Québec dont il a déjà été le chef assistant. Sa direction soignée et alerte lui a permis de rattraper, parfois au vol, les quelques petits décalages amorcés dans les tempi endiablés de certains ensembles.

Avec son festin visuel et sa distribution vocale de haut calibre, ce spectacle continue de mettre la barre haute pour les prochaines productions de l’Opéra de Québec.

La vie parisienne

Opéra bouffe de Jacques Offenbach sur un livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy

Production
Festival d'opéra de Québec
Représentation
Salle-Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec
Direction musicale
Thomas Le Duc-Moreau
Instrumentiste(s)
Orchestre symphonique de Québec et Chœur de l’Opéra de Québec
Interprète(s)
Jean-Luc Ballestra (Baron Gondremarck), Mélanie Boisvert (Gabrielle), Rodolphe Briand (Le Brésilien, Frick et Prosper), Julie Boulianne (Métella), Dominique Côté (Gardefeu), Geoffroy Salvas (Bobinet), Marie-Eve Munger (Baronne Gondremarck), Sophie Naubert (Pauline), Christophe Gay (Alfred et Urbain), Émilie Baillargeon (Clara), Geneviève Dompierre-Smith (Louise), Mary Bewitch (Léonie) et Michel Blackburn (Alphonse et Joseph)
Mise en scène
Jean-Romain Vesperini
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