Orchestre symphonique de Montréal - Barbara Hannigan : La cheffe straussienne, la soprano surhumaine
Barbara Hannigan dans La Voix humaine de Francis Poulenc
Photographie : Antoine Saito
En un début d’année qui s’annonce passionnante au plan musical, l’Orchestre symphonique de Montréal accueillait, comme il l’avait fait lors de la saison précédente, mais en qualité d’artiste résidente cette fois-ci, la soprano et cheffe canadienne Barbara Hannigan. Alors que l’on avait pu l’apprécier le 7 décembre 2022 dans un programme où elle interprétait sous la direction de Rafael Payare Lonely Child de Claude Vivier et Djamila Boupacha de Nono, le rendez-vous de 2024 aura permis au public de la Maison symphonique d’apprécier la direction musicale de Barbara Hannigan.
La première partie du concert a fait de découvrir une véritable cheffe straussienne. Le choix des Métamorphoses de Richard Strauss s’est avéré judicieux et a permis à la Canadienne de mettre en valeur les pupitres de cordes de l’OSM, et en particulier son violon solo Andrew Wan. La tourmente de la partie centrale de l’œuvre a été particulièrement bien jouée par les musiciens et musiciennes.
Barbara Hannigan
Photographie : Antoine Saito
D'un concert, la soirée du 21 février 2024 est par la suite devenue un véritable événement musical, un grand moment lyrique. Si le don d’ubiquité ne semble pas être le propre de l’individu, Barbara Hannigan semble pourtant en avoir hérité. Elle est non seulement l’interprète sur scène du personnage de l’énigmatique monodrame lyrique qu’est La Voix humaine de Francis Poulenc, mais « Elle » est aussi projetée sur grand écran. Les multiples caméras rendent « Elle » mystérieuse comme l’oeuvre, toujours expressive, superposant parfois des images multiples de la chanteuse et de ses gestes, en particulier de ses mains. Les projections sont d’une beauté saisissante, à couper le souffle.
Comme elle le confiait à Laurence Gauvin la rédactrice en chef du Bulletin québécois d’art lyrique dans un entretien paru dans le numéro de février 2024 dont elle était la « Tête d’affiche » - et on ne peut que lui donner raison, « [c]e spectacle consiste en une immersion totale, un Gesamtkunstwerk […] ». Et sa transposition, comme elle y référait dans ce même entretien, du concept plutôt étrange « d’un personnage qui contrôle absolument tout » est à la fois crédible et réussie.
Mais, ce qu’on peut – et devrait aussi- retenir de la performance de Barbara Hannigan, c’est une sublime prestation vocale, non seulement la justesse et l’impeccable diction, dans une langue française dont elle fait preuve d’une maîtrise exemplaire, mais une expressivité et une musicalité hors du commun. L’exigente partition de La Voix humaine de Poulenc est servie par une soprano surhumaine.
Applaudie à tout rompre à la fin de ses prestations, Barbara Hannigan s’est méritée l’admiration et a conquis le cœur de mélomanes qui n’oublieront jamais, comme le soussigné, l’exceptionnelle interprétation d’une artiste dont chacune des prochaines visites dans la métropole québécoise sera courue. On peut d’ailleurs souhaiter que la cheffe straussienne soit invitée à assurer la direction musicale de nouvelles productions d’Elektra ou de Salomé, ou des œuvres lyriques qui n’ont pas, depuis trop longtemps déjà, été présentées au public d’ici, qu’il s’agisse de Der Rosenkavalier ou de Capriccio. Et pourquoi nos grands orchestres ne lui confieraient-elles pas la direction des grands poèmes symphoniques ou d’autres grandes œuvres instrumentales de Richard Strauss, et en particulier le célébrissime Also sprach Zarathustra ?
À la prochaine, Barbara Hannigan, et le plus tôt possible!
Richard Strauss, Métamorphoses, Francis Poulenc, La voix humaine
- Production
- Orchestre symphonique de Montréal
- Représentation
- Maison symphonique de Montréal , 21 février 2024
- Direction musicale
- Barbara Hannigan