Critiques

Isabel Leonard et Rafael Payare
Virée classique 2023
Orchestre symphonique de Montréal, 16 août 2023
Photographie : Antoine Saito

Alors que le nombre d’heures de beau temps s’annonçait comme étant le plus bas depuis le relevé des premières données météorologiques au Québec en 1953, le soleil resplendissait sur l’esplanade du Stade Olympique le 16 août dernier pour le concert d’ouverture de la Virée classique 2023 de l’Orchestre symphonique de Montréal. 

Devant des dizaines de milliers de spectateurs, le chef Rafael Payare proposait un programme fort bien conçu pour un évènement visant à susciter l’intérêt du plus grand nombre pour la musique classique, mais aussi pour faire apprécier et découvrir des œuvres du grand répertoire symphonique… et lyrique. À cet égard, le choix d’interpréter les Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski dans l’orchestration de Maurice Ravel était fort judicieux, comme l’était aussi l’idée de confier le soin à la violoniste Bomsori – lauréate du Concours musical de Montréal en 2016 -  le soin de jouer la Fantaisie Carmen pour violon et orchestre de Franz Waxman.

Interprétée avec une énergie hors du commun par la violoniste coréenne, cette dernière pièce introduisait habilement les deux airs de l’opéra Carmen de Georges Bizet que la mezzo-soprano américaine Isabel Leonard allait interpréter. Et quelle interprétation ! L’OSM permettait à son public de découvrir une artiste lyrique au talent et au charisme exceptionnels. Les airs retenus pour le programme permettaient d’ailleurs à celle-ci de démontrer son pouvoir de séduction et surtout de le transmettre au personnage de la gitane.

L’air de La Habanera (« L’amour est un oiseau rebelle »), sans doute le plus célèbre de l’opéra de Bizet, relève la chaleur du timbre d’Isabel Leonard, mais aussi son sens dramatique. Ce dernier est tout aussi présent dans la Seguidilla (« Près des remparts de Séville ») et on ne doute à aucun instant que le « pauvre cœur » de la Carmen d’Isabel Leonard est « très consolable, […], [et] est libre comme l’air ». Et quelle diction ! Pour la mezzo-soprano américaine, qui a aussi des racines brésiliennes, le français est une langue maîtrisée lorsqu’elle la chante, comme elle avait pu d’ailleurs le démonter dans son rôle de Blanche lors de la production des Dialogues des Carmélites du Metropolitan Opera de New York en mai 2019.

Si elle a ainsi charmé l’auditoire dans les airs de Carmen, Isabel Leonard a été divine lorsqu’elle chanta, en début de concert et après l’ouverture de l’opéra Il Barbiere dI Siviglia de Rossini, la cavatine Una voce poco fa (« Une voix, il y a peu de temps ») tiré du même opéra. La voix est aussi puissante que juste, et l’on a droit à ce feu d’artifice vocal qui nous fait véritablement croire qu’elle est capable, comme la Rosina qu’elle incarne, d’être vipère en mettant en jeu cent machinations. 

Isabel Leonard
Virée classique 2023
Orchestre symphonique de Montréal, 16 août 2023
Photographie : Antoine Saito

La seule présence d’Isabel Leonard valait le déplacement pour ce concert d’ouverture, comme vaudra aussi le déplacement dans notre Capitale nationale le concert que proposera l’Orchestre symphonique de Québec et sa cheffe invitée Lina González-Granados le 24 janvier 2024, alors que la formation accompagnera Isabel Leonard dans le cycle de mélodies Schéhérazade de Maurice Ravel. 

Ce concert d’ouverture s'est terminé avec la musique du prélude de la scène 1 de l’acte III de l’opéra Die Walküre de Richard Wagner, connu comme étant « La chevauchée des Walkyries » (« Der Ritt der Walküren »), une pièce qui a su enthousiasmer l’auditoire et lui donner le goût de poursuivre l’expérience de la deuxième Virée classique de Rafael Payare… dont les 70 autres concerts ont démontré que le public montréalais était, cette année encore, au rendez-vous.