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CRITIQUE - Ainadamar : Un opéra flamboyant, mais surchargé

CRITIQUE - Ainadamar : Un opéra flamboyant, mais surchargé

Ainadamar, Opéra de Montréal, 2023
Photographie: Hervé Leblay

Avec la présentation d’Ainadamar du compositeur Osvaldo Golijov et du librettiste David Henry Hwang, l’Opéra de Montréal poursuivait en mars dernier sa nouvelle « tradition » de faire découvrir au public le répertoire lyrique contemporain. Retour sur une production haute en couleur qui s’est déroulée au Théâtre Maisonneuve.

Créé en 2003, puis révisé en 2005, Ainadamar porte sur le drame entourant la mort du poète Federico García Lorca, exécuté en 1936 par la milice nationaliste de Franco au tout début de la Guerre civile espagnole. Dans un ton engagé, l’œuvre présente l’atmosphère de cette lugubre période et de l’exécution de Lorca à travers le regard de Margarita Xirgu, une actrice et amie de Lorca qui s’exile ensuite en Uruguay. Par le biais de ce drame, l’opéra se réfère aussi, de manière plus ou moins explicite, à d’autres évènements politiques importants de l’histoire espagnole, notamment la représentation de Mariana Pineda, jeune héroïne libérale exécutée en 1831.  

Ainadamar a ainsi été mis en scène en présentant trois époques distinctes : principalement la Révolution espagnole de 1936, mais également les années d’actions de Pineda à la fin de la décennie 1820 ainsi que les derniers moments de Xirgu en Uruguay en 1969. Les différents sauts historiques dans le déroulement de l’œuvre n’ont toutefois pas été faciles à suivre et à comprendre. En filigrane de ces représentations historiques se trouvaient néanmoins un élément commun à la résistance espagnole : les femmes du peuple, toujours présentes, spectatrices, mais aussi actrices de ces grandes manifestations politiques. Dans le cadre de la production, elles ont joué les rôles les plus grands et les plus marquants dans un opéra des plus chargés. 

L’effectif était énorme pour la courte œuvre de 80 minutes présentée par l’Opéra de Montréal. Avec le décor imposant représentant les cultures espagnole et catalane, le chœur des femmes, les figurantes, les chanteuses et chanteurs principaux ainsi que la troupe de flamenco, la mise en scène de Brian Staufenbiel, bien que flamboyante, était en fait surchargée. Il faut ajouter à tout cela qu’en plus du son acoustique, Ainamadar comportait des sons électroniques, notamment pour produire des effets sonores ou encore pour accentuer les pas de danse de flamenco. Le grand défaut de cet usage est que lorsque la troupe n’était pas parfaitement synchrone avec l’enregistrement, le résultat en était pour le moins cacophonique. Certes, avec toute cette musique et ces effets, l’amplification de certaines voix était pour le moins nécessaire. Je n’apprécie pas cette pratique à l’opéra, mais lorsque cette fonction n’était pas en marche dans la production d’Ainadamar, l’auditoire perdait souvent la voix des artistes lyriques.

Elizabeth Polese (Nuria) et Emily Dorn (Margarita Xirgu) dans Ainadamar, Opéra de Montréal, 2023
Photographie: Hervé Leblay

Certains aspects positifs se dégagent cependant aussi de cette production. Chez les chanteuses, la jeune soprano canadienne Emily Dorn, qui a tenu le personnage de Margarita Xirgu, a admirablement tenu son rôle, chantant avec puissance et incarnant parfaitement les émotions dans son jeu scénique. Et que dire de la participation d’Alfredo Tejada, chanteur de flamenco ? Chaque entrée dans son personnage de l’atroce politicien Ramón Ruiz Alonso a simultanément enflammé la scène. Quant à la cheffe Nicole Paiement, elle n’a certainement pas joué un rôle facile, alors qu’elle a dû jongler avec l’orchestre, les chanteurs et chanteuses, la troupe de flamenco et l’écoute des effets sonores. Néanmoins, elle a dirigé avec brio.

Avec Ainadamar, l’Opéra de Montréal a tenté encore une fois de sortir des grands stéréotypes de l’art lyrique romantique. Si le résultat est loin d’être parfait, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une expérience fort intéressante qui gagne à être répétée.

Ainadamar

Opéra en trois images d’Osvaldo Golijov sur un livret de David Henry Hwang
CHOR : Rocio Vadillo
ORC : Orchestre symphonique de Montréal
CHO : Chœur de l’Opéra de Montréal

Production
Opéra de Montréal
Représentation
Théâtre Maisonneuve , 21 mars 2023
Direction musicale
Nicole Paiement
Interprète(s)
Emily Dorn (Margarita Xirgu), Luigi Schifano (Federico García Lorca), Elizabeth Polese (Nuria), Alfredo Tejada (Ramon Ruiz Alonso), Alain Coulombe (José Tripaldi), Jaime Sandoval (Torero), Geoffrey Schellenberg (Maestro)
Mise en scène
Brian Staufenbiel
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