CRITIQUE - Hänsel et Gretel : Des papilles bien comblées
Photographie : Jean-Sébastien Jacques
Moins d’un mois après la production de l’Université McGill, l’Atelier d’opéra du Conservatoire de musique de Montréal présentait à son tour le Märchenoper de Humperdinck. Le Théâtre Rouge ne disposant pas de fosse, les musiciens se retrouvent donc sur le plateau, tandis que l’action se déroule sur une petite scène surélevée. Si cette disposition oblige les chanteurs à donner un peu plus de volume, elle permet en revanche de savourer avec gourmandise l’orchestration luxuriante d’un ouvrage d’inspiration très wagnérienne. Rarement aura-t-on entendu aussi distinctement les richesses innombrables de la partition, que Jean-Marie Zeitouni prend plaisir à ciseler avec un souci constant du détail. Sous sa direction, les trente-cinq musiciens se surpassent dès l’ouverture, qui nous transporte immédiatement dans l’atmosphère à la fois primesautière et fantasmagorique du conte. Chef lyrique chevronné, Zeitouni sait trouver tout au long de la représentation le parfait équilibre entre les masses sonores pour que l’orchestre sonne avec opulence, mais sans jamais couvrir les voix.
Nathasha Henry (Gretel) et Marianne Bertrand (Hänsel) dans Hänsel et Gretel, Atelier d'opéra du Conservatoire, 2023
Photographie: Jean-Sébastien Jacques
Conforme à la distribution de la création à Weimar en 1893, l’équipe d’interprètes lyriques est constituée exclusivement de femmes, à l’exception du rôle du père. En Hänsel, Marianne Bertrand fait entendre une fort jolie voix de mezzo qu’elle utilise avec beaucoup de musicalité, à laquelle manque toutefois de l’assurance dans le registre aigu. Sa complicité est totale avec la ravissante Gretel de Natasha Henry, au timbre séduisant et à la puissance par moments étonnante. Peu marquante en mère, Amélie Baland-Capdet révèle la pleine mesure de son talent vocal et scénique en sorcière truculente à souhait. Alexandru Tutuianu campe un père débonnaire dont l’instrument, bien sonore lors de son entrée dans la salle, s’avère plus ténu une fois sur scène. Alexe Phaneuf-Benoît est un marchand de sable au phrasé élégant, tandis que Noémie Brisson ne se laisse aucunement démonter par une brève défaillance vocale et termine avec éclat son air de la marchande de rosée. Au dernier tableau, les neuf choristes à la tête enveloppée comme un bonbon font preuve d’une homogénéité remarquable.
L’intrigue prend place dans une scénographie minimaliste efficace, mais que l’on aurait souhaitée plus évocatrice, voire envoûtante, dans la scène de la forêt. La grande pantomime réunit les neuf choristes qui personnifient les anges avec grâce et dont les très beaux mouvements de bras sont du meilleur effet. La présence d’une contorsionniste (Jacinthe Normandeau) incarnant la mère des anges impressionne certes par sa flexibilité, mais peut toutefois décontenancer car son action s’intègre plus ou moins bien sur le plan dramaturgique. Quant à la maison de la sorcière, elle devient ici un kiosque de rue très ingénieux qui sert à la fois d’habitat et de fourneau... C’est dans ce tableau animé et haut en couleur que la metteuse en scène Marie-Nathalie Lacoursière nous gratifie d’images qui s’impriment durablement dans notre mémoire, comme celle de la sorcière roulant à trottinette... Dans les rapports entre parents et enfants, on aurait cependant souhaité davantage de spontanéité, en particulier au moment des retrouvailles. Cela dit, cette production a su nous offrir des plaisirs variés au premier rang desquels on rangera d’abord la haute tenue de l’orchestre.
Hänsel und Gretel
Opéra en trois actes d’Humperdinck, sur un livret d’Adelheid Wette
ORC : Orchestre du Conservatoire
CHO : Étudiantes du Conservatoire
- Production
- Atelier d’opéra du Conservatoire
- Représentation
- Conservatoire de musique de Montréal, Théâtre Rouge
- Direction musicale
- Jean-Marie Zeitouni
- Interprète(s)
- Natasha Henry (Gretel), Marianne Bertrand (Hänsel), Amélie Baland-Capdet (la mère/la sorcière), Alexandru Tutuianu (le père), Alexe Phaneuf-Benoît (le marchand de sable), Noémie Brisson (la marchande de rosée)
- Mise en scène
- Marie-Nathalie Lacoursière