CRITIQUE - Hänsel et Gretel : Une surprise pleine de promesses

Sophie Naubert (Gretel) et Mala Weissberg (Hänsel) dans Hänsel und Gretel, Opéra McGill, 2023
Photographie : Stephanie Sedlbauer
De retour au Monument-National après trois ans de pandémie, Opéra McGill donnait du 26 au 29 janvier quatre représentations d’Hänsel und Gretel, dans la version originale allemande et une mise en scène de son directeur artistique Patrick Hansen. Ce dernier a conçu un très joli spectacle qui traduit bien les atmosphères tantôt amusantes, tantôt gentiment terrifiantes du conte des frères Grimm revisité par Engelbert Humperdinck à la fin du XIXe siècle. Vêtus de costumes fantaisistes et coiffés de perruques aux couleurs extrêmement vives, les personnages évoluent dans des décors d’une belle sobriété imaginés par Vincent Lefèvre, qui a dessiné une superbe frondaison pour le tableau de la forêt et une ravissante maison en pain d'épice, qu’on aurait toutefois pu imaginer garnie non seulement de bretzels, mais aussi de friandises appétissantes. Si l’ensemble de la production soulève l’enthousiasme, on s’étonne toutefois de l’absence de l’importante pantomime devant se dérouler à la fin du deuxième tableau : privée de l’apparition féerique des quatorze anges venant veiller sur le sommeil des deux enfants, la somptueuse page orchestrale perd ici une bonne partie de sa justification dramatique.
Dans la fosse, Stephen Hargreaves dirige avec sensibilité les trente-six musiciens de l’Orchestre symphonique de McGill, qui, après avoir cherché leurs marques dans une ouverture plutôt timorée, se ressaisissent rapidement et gagnent en assurance, en particulier dans le prélude (« La chevauchée des sorcières ») et la conclusion du deuxième tableau, puis enfin dans un troisième acte très enlevé.
Sur scène, la grande triomphatrice de la représentation est la soprano Sophie Naubert, Gretel d’une extraordinaire maturité vocale doublée d’une exceptionnelle qualité de jeu. On reste pantois devant la solidité technique, l’homogénéité de la voix, la projection parfaite, la sûreté des aigus perçant sans difficulté à travers l’orchestre et surtout une admirable musicalité. D’un naturel confondant, la jeune fille bouge, danse et virevolte avec la grâce d’une ballerine. De plus, sa voix se marie fort bien à celle de Mala Weisberg, adorable Hänsel tour à tour espiègle, tendre et fanfaron qui fait entendre un instrument richement timbré et manié avec une grande intelligence. Truculente à souhait, la sorcière de Jackson Shroeder possède un agréable timbre de ténor, quoique restreint dans l’aigu, et exécute une désopilante chorégraphie sans être aucunement gêné par le port d’une botte de marche orthopédique. Contrairement à l’usage, le rôle du marchand de sable est ici confié non pas à une soprano mais à un autre ténor, Jonathan Stitt, qui interprète son air avec délicatesse, tout comme la charmante fée Rosée de Marissa Lake, qui réveille tout en douceur les deux enfants au début du dernier tableau. Alexander Quackenbusch est un père (Peter) plein de bonhomie au grave sonore mais limité dans le registre supérieur, remarque s’appliquant aussi à la mère (Gertrud) contrite de Rachel Pépin. Les enfants en pain d’épice qui retrouvent au dénouement leur forme humaine sont incarnés par une vingtaine de membres de la chorale de la Commission scolaire English-Montréal, qui complètent avec talent une distribution à l’ardeur communicative, dont nous retenons en premier lieu la très prometteuse Sophie Naubert.

Jackson Schroeder (La sorcière) dans Hänsel und Gretel, Opéra McGill, 2023
Photographie : Stephanie Sedlbauer
Hänsel und Gretel
Opéra en trois actes d’Humperdinck, sur un livret d’Adelheid Wette
ORC : McGill Symphony Orchestra
CHO : Chorale de la Commission scolaire English-Montréal
- Production
- Opéra McGill
- Représentation
- Monument-National , 29 janvier 2023
- Direction musicale
- Stephen Hargreaves
- Interprète(s)
- Sophie Naubert (Gretel), Mala Weissberg (Hänsel), Jackson Schroeder (la sorcière), Alexander Quackenbush (le père), Rachel Pépin (la mère), Jonathan Stitt (le marchand de sable), Marissa Lake (la fée Rosée)
- Mise en scène
- Patrick Hansen