CRITIQUE - L’OBQ a des yeux de velours…
Samira Tou, Charlotte Vigneault et Emmanuel Hasler dans La Belle de Cadix, Opéra Bouffe du Québec, 2022
Photographie : Bonnallie Brodeur
L’Opéra Bouffe du Québec (OBQ) avait déjà mis à l’affiche un titre de Francis Lopez en 2018, Le chanteur de Mexico, avant de proposer une opérette classique avec La fille du tambour-major d’Offenbach en 2019, quelques mois avant la pandémie. C’est une bonne idée de revenir à Lopez en 2022, lui dont la musique, tour à tour entraînante ou langoureuse, charme à tout coup et donne le goût de fredonner. La belle de Cadix a triomphé en 1945, peu après la fin d’une guerre qui avait déchiré le monde… Le directeur musical Simon Fournier – qui en est à sa vingtième production avec l’Opéra Bouffe du Québec – souligne qu’une opérette aussi légère et souriante est un bon choix au sortir d’une pandémie qui a forcé la troupe à se taire pendant deux ans.
Le metteur en scène Alain Zouvi s’est permis ici davantage de fantaisie que dans sa première participation en 2019 (voir L’Opéra nº 22, p. 34), ce qui convient bien à une pièce à l’action extrêmement frivole, ponctuée de refrains somme toute très simples. Comme toujours à l’OBQ, le chœur très présent se charge de plusieurs grains de folie, des trouvailles hilarantes, comme ces deux baigneuses qui font mine de nager sur une toile bleue représentant une piscine, cette lune qui apparaît en plein duo d’amour tenue à bout de bras par une choriste, ou encore cet avion miniature qui, pour illustrer un départ, « s’envole » au bout d’un bâton agité par un autre compère. Même si on l’aimerait plus fourni en voix masculines, le chœur mène le bal à tout moment avec une joie de vivre et un entrain irrésistible, n’hésitant pas à danser grâce aux chorégraphies très intelligemment conçues de Monik Vincent.
Charlotte Vignault et Emmaniel Hasler dans La Belle de Cadix, Opéra Bouffe du Québec, 2022
Photographie : Bonnallie Brodeur
Pour les personnages principaux, la troupe lavalloise fait une fois de plus appel à de jeunes artistes professionnels très convaincants. Charlotte Vigneault joue avec finesse et chante avec une voix bien plus agréable que les divettes qu’on entend sur les versions anciennes de l’œuvre. Emmanuel Hasler soutient la comparaison avec le créateur du rôle, Luis Mariano, projetant un timbre velouté et solide, sans être aussi claironnant que celle de son devancier. Samira Tou a peu d’occasions de briller vocalement, ses deux duos avec Manillon ne permettant pas de véritable envolée lyrique, mais elle s’empare avec fougue de son rôle de fantaisiste, et alterne joyeusement les clins d’œil et les gifles. Dans le rôle d’un don juan intrigant et maladroit, José Dufour s’impose en comique sexy ; il chante bien et joue encore mieux. On retrouve avec plaisir Philippe Gobeille, déjà remarqué dans Le chanteur de Mexico, toujours aussi amusant dans un rôle un peu effacé. Mention spéciale à Daniel Murphy qui interprète une chanson émouvante en s’accompagnant à la guitare
On espère bien ne pas avoir à attendre encore deux ans avant de réentendre la troupe.
La belle de Cadix
Opérette en 2 actes et 10 tableaux de Francis Lopez sur un livret de Marc Cab et Raymond Vincy, paroles de Maurice Vandair
ORC : Orchestre de l’Opéra Bouffe du Québec
CHO : Chœur de l’Opéra Bouffe du Québec
- Production
- Opéra bouffe du Québec
- Représentation
- Maison des Arts de Laval , 29 octobre 2022
- Direction musicale
- Simon Fournier
- Interprète(s)
- Charlotte Vigneault (Maria Luisa), Emmanuel Hasler (Carlos), Samira Tou (Pepa), Rosalie-Lane Lépine (Cécilia), José Dufour (Manillon), Philippe Gobeille (Dany Clair), Daniel Murphy (Ramirez)
- Mise en scène
- Alain Zouvi (chorégraphies : Monik Vincent)