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CRITIQUE - Entrée en scène réussie pour Rafael Payare et l’Orchestre symphonique de Montréal

CRITIQUE - Entrée en scène réussie pour Rafael Payare et l’Orchestre symphonique de Montréal

Photographie : Antoine Saito

En guise d’ouverture pour sa première saison en tant que directeur musical de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM), Rafael Payare dirigeait la Symphonie no2 en do mineur, « Résurrection », écrite par Gustav Mahler. Dès les premières notes de l’œuvre, il était clair que nous aurions probablement droit à plus d’une heure de musique de qualité. Le premier mouvement, qui commence par un thème aux violoncelles, fut bien exécuté avec le caractère inquiétant qui lui sied. L’orchestre réussit bien chacun des échafaudages dramatiques imaginés par Mahler, en excellant autant dans les passages très lyriques que dans ceux au caractère plus glorieux où les cuivres reluisirent. Payare exécuta bien chaque retour des violoncelles qui, même dans les passages majeurs, sonnaient comme une menace planant sur l’ensemble du mouvement.

Le deuxième mouvement en la bémol majeur au caractère chantant, voir léger par moment, fut également bien maîtrisé autant en ce qui concerne les passages lyriques que les interludes dramatiques. Les violoncelles s’y démarquèrent à nouveau, comme durant l’ensemble de la performance. Quant au troisième mouvement, il fut celui le moins bien exécuté à mon avis. Inspiré du klezmer et très contrastant, il possède un caractère ironique qui ne fut pas mis en valeur. À ce titre, certains passages du deuxième mouvement, notamment celui en pizzicatos vers la fin, semblaient traités avec davantage d’humour. Le texte fut bien exécuté, mais l’esprit du scherzo n’était pas au rendez-vous, comme si les musiciens étaient légèrement épuisés ou se réservaient de l’énergie pour la suite.

L’entrée en scène de la mezzo-soprano Karen Cargill et son timbre de voix chaleureux dans le quatrième mouvement entama bien la section finale de l’œuvre (le quatrième et cinquième mouvement s’enchaînant). Il y avait un bel équilibre entre la voix et l’accompagnement de l’orchestre – dommage cependant que le public fut dérangé par une sonnerie de cellulaire, ce qui arrive encore malheureusement trop souvent. D’ailleurs, le public a aussi applaudi entre les mouvements; je crois que l’OSM gagnerait à préciser de ne pas le faire (à l’instar de l’Orchestre Métropolitain qui l’avait fait il y a quelques années), surtout dans le cadre d’œuvres symphoniques où les mouvements sont unis par le retour d’idées thématiques.

Photographie : Antoine Saito

Le cinquième et dernier mouvement se poursuivit avec la même énergie que le précédent. On y sentait les instrumentistes et le chef particulièrement investis avec une attention aux détails formidable, ce qui résultat en un moment de musical captivant. Il fut amusant de constater la réaction du public visiblement perplexe face à l’arrivée des instruments hors scènes, bien que cela ait été précisé dans les notes de programme.

L’entrée du chœur et de la soprano a capella fut d’une beauté troublante qui me fit déposer mon crayon pour me laisser habiter pleinement par la musique. Le chœur était visiblement bien préparé par Andrew Megill, notamment en ce qui concerne la prononciation de l’allemand qui avait été décevante lors du concert de clôture de la saison précédente dans la dernière symphonie de Beethoven. Cependant, il aurait pu être intéressant que la soprano Dorothea Röschmann ne soit pas à l’avant-scène, mais plutôt à la hauteur du chœur afin de marquer davantage le moment où la partie de la soliste se sépare du chœur.

La finale avec l’orgue fut saisissante et mit fin à une première soirée de musique offerte par l’OSM particulièrement réussie. Les diverses sections de l’orchestre se démarquèrent tour à tour au courant de la symphonie et les différents solos furent très bien interprétés. Le concert confirma la chance qu’a le public montréalais d’avoir Rafael Payare comme nouveau chef de la principale formation symphonique de la métropole. 

Il est également bien de souligner que le concert commençait par la création mondiale de l’œuvre Time du compositeur autrichien Thomas Larcher. La pièce, divisée en trois sections, commençait par une introduction énergique assez intéressante mettant en valeur les percussions. Cependant, je fus moins emporté par la troisième partie lente où les différentes idées thématiques créaient des ruptures de ton qui n’étaient pas systématiquement convaincantes à mon avis. Il s’agissait néanmoins d’un préambule approprié à l’œuvre de Mahler de par son caractère relativement tonal et le style d’écriture de Larcher qui s’inscrit visiblement en continuité avec celui du compositeur bohémien.

Rafael Payare dirige la Symphonie « Résurrection » de Mahler Symphonie no 2 en do mineur, dite « Résurrection » de Gustav Mahler

ORC : Orchestre symphonique de Montréal
CHO : Chœur de l’Orchestre symphonique de Montréal

Production
Orchestre symphonique de Montréal
Représentation
Maison Symphonique de Montréal , 15 septembre 2022
Chef de chœur
Andrew Megill
Direction musicale
Rafael Payare
Interprète(s)
Dorothea Röschmann (soprano), Karen Cargill (mezzo)
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