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CRITIQUE - Festival de Lanaudière : Un moment musical d’exception avec Goerne et Kantorow

CRITIQUE - Festival de Lanaudière : Un moment musical d’exception avec Goerne et Kantorow

Il y avait de quoi réjouir les amatrices et amateurs des lieder de Schubert le 28 juillet 2022 à l’église de La Purification de Repentigny, alors qu’étaient réunis le baryton allemand Matthias Goerne et le renommé pianiste français Alexandre Kantorow afin d’interpréter un programme consacré complètement à Schubert. Alors que la dernière performance au Québec de Goerne, reconnu mondialement pour son interprétation du répertoire schubertien, datait de plus de 10 ans, Kantorow faisait ses débuts au Canada dans le cadre de la présente édition du Festival de Lanaudière. Au terme de cette soirée, la seule conclusion possible est qu’il fallait y être : ce moment musical des plus magiques marquera certainement l’histoire du Festival et celui de l’église de La Purification. 

C’est devant une salle comble qu’était présenté ce récital et le charmant décor de l’église s’agençait parfaitement à l’esprit de la musique. Les murs d’une teinte bleu pâle décorés d’ornements dorés et les chandeliers en verre suspendus au plafond offraient une ambiance apaisante à laquelle s’apparentait les lieder sélectionnés pour le programme. À ce propos, il incombe de préciser que c’est le baryton lui-même qui les a choisis et sa sélection a été judicieuse : il en a résulté un voyage musical hautement cohérent. Goerne a d’ailleurs souhaité l’interpréter sans interruption ; la foule a donc été priée de n’applaudir qu’à la toute fin pour que l’esprit du concert ne soit pas troublé. Fait étonnant, le public a respecté avec diligence cette demande de l'artiste

L’interprétation a été sans faille, tant de la part du baryton que du pianiste. Aux premières notes chantées, Goerne a pris possession de l’entiereté de l’environnement sonore. Son timbre chaleureux, rond et d’une grande profondeur, qui le distingue à mon avis parmi les interprètes connus du même répertoire, a semblé envelopper l’auditoire durant l’heure et demie qu’a durée le concert. La maîtrise de son appareil vocal est totale et le spectre des nuances qu’il convoque traduit ses nombreuses décennies d’expérienceCela s’est particulièrement entendu dans son Des Fischers Liebesglück (D. 933) – le moment fort de la soirée s’il faut en choisir un – où la douceur des nuances dans les sauts d’octave a été sublime. Néanmoins, ce qui rend son interprétation encore plus exceptionnelle, c’est toute la vitalité qu’il lui confère : Goerne ne chante pas Schubert, il vit Schubert. Si les lieder du compositeur sont pourvus d’une grande émotivité, le baryton sait la traduire à la perfection, allant de la douceur à la douleur, de la joie à l’éclatante colère. 

À cette interprétation poignante, Alexandre Kantorow a su ajouter la beauté de son jeu pianistique. L’accompagnement a marqué par son esprit et son grand caractère. Encore ici, les nuances ont été jouées sans mesure : lors des fortissimi, on avait l’impression que le plancher de l’église allait céder sous le piano. Ce jeu spectaculaire a servi en tout point la musique de Schubert ; les éléments mélodiques de l’accompagnement ressortaient sans empiéter sur la voix, alors que la structure harmonique était également claire, bien que plus subtile. 

Ce concert s’est déroulé sans anicroche et obtient par le fait même une note parfaite. Seul bémol cependant : la foule était à certains moments très bruyante. Si l’on s’ennuyait parfois d’obtenir des programmes en papier durant les concerts où les règles sanitaires ne le permettaient pas, on se rend compte aujourd’hui que ne pas en donner n’était pas une si mauvaise idée : l’environnement sonore faisait l’économie de nombreux bruits de papier froissés. Néanmoins, c’est un moment musical d’une grande qualité que nous a offert le Festival de Lanaudière et pour cela, il mérite tous les honneurs 

Schubert par Goerne et Kantorow

Lieder de Franz Schubert

Production
Festival de Lanaudière
Représentation
Église de La Purification de Repentigny , 28 juillet 2022
Interprète(s)
Matthias Goerne (baryton)
Pianiste
Alexandre Kantorow
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