Critiques

Festival de Lanaudière- Le grand retour de Kent Nagano au Québec- L’extrême félicité d’Hélène Guilmette… et un public au paradis!

Festival de Lanaudière- Le grand retour de Kent Nagano au Québec- L’extrême félicité d’Hélène Guilmette… et un public au paradis!

Hélène Guilmette et Kent Nagano
Festival de Lanaudière, 16 juillet 2021
Photographie : Agence BigJaw

Pour relancer leur grand rendez-vous estival de la musique classique et non sans avoir offert une série de concerts - et de bonheurs d’automne - entre deux vagues d’une crise sanitaire en septembre 2020, le directeur artistique et le directeur général du Festival de Lanaudière ont réalisé un coup de maître en rendant possible le grand retour de Kent Nagano au Québec et en confiant au chef émérite de l’Orchestre symphonique de Montréal la direction du concert d’ouverture du festival de 2021.

Après un hommage bien senti de Renaud Loranger à Kent Nagano et les salutations de Xavier Roy à une impressionnante galerie de personnalités politiques, les festivaliers et festivalières ont eu droit à un concert qui démarrait la 43e édition du festival et à un programme fort bien conçu pour l’occasion, soit la présentation du Prélude pour l’après-midi d’un faune de Claude Debussy et la Symphonie no 4 de Gustav Maher.

Renaud Lorangerdirecteur artistique et Xavier Roydirecteur général
Festival de Lanaudière, 16 juillet 2021
Photographie : Agence BigJaw

De l’Églogue pour orchestre d'après Stéphane Mallarmé – telle a été sous-titrée cette œuvre du compositeur de Pelléas et Mélisande, l’Orchestre symphonique de Montréal a offert une exécution impeccable et rendu justice à cette musique si impressionniste. Si la flûte solo de l’OSM Timothy Hutchins se distingue dès les premières mesures dans cette oeuvre qu’il avait enregistré avec l’OSM sous la direction avec Charles Dutoit en 1989, il y a lieu de souligner les magnifiques prestations du hautboïste Theodore Baskin et du clarinettiste solo Associé Alain Desgagné. La finesse de leur jeu et la sonorité de leurs instruments conviennent tant à cette musique que Kent Nagano dirige avec un pur et réel plaisir. 

Kent Nagano et Hélène Guilmette
Festival de Lanaudière, 16 juillet 2021
Photographie : Agence BigJaw

Pièce de résistance du concert et interprétée pour la première fois par l’OSM à l’Amphithéâtre Fernand Lindsay, la Symphonie no4 de Gustav Mahler - une œuvre qui clôt le cycle des symphonies inspirées du recueil de chants populaires Des Knaben Wunderhorn (Le Cor merveilleux de l’enfant) - est interprétée sur un ton lyrique qui lui sied fort bien. Si l’on se serait attendu à plus d’élan dans les danses villageoises du premier mouvement, le deuxième mouvement permet au violon solo, Andrew Wan, au moment où il saisit son second instrument », accordé dont un ton plus haut que la normale, d’illustrer avec justesse cette mystérieuse danse de la mort que Mahler a mise en musique. Le plus beau moment instrumental de la soirée est sans conteste l’interprétation du troisième mouvement dont le tempo poco adagio (pas totalement lent, juste un peu lent) est scrupuleusement respecté par le chef. Hormis le cri de jubilation qui surprend toujours vers la fin du mouvement, l’orchestre traduit bien le caractère paisible, tranquille et mélodique de la partition de Mahler. La qualité d’écoute de l‘auditoire pendant l’entièreté de ce troisième mouvement n’est certainement pas étrangère à une exécution qui démontre par ailleurs la cohésion que l’OSM a développée sous la direction de Kent Nagano.

Pour le soussigné et quiconque apprécie l’écriture vocale de Mahler, le moment le plus attendu de ce concert était sans nul doute le quatrième mouvement Das himmlische Leben (La vie céleste). Le choix par Kent Nagano  d’Hélène Guilmette comme soliste n’était guère étonnant, lui qui a fait appel à la soprano québécoise à plusieurs reprises dans le passé, et notamment pour la version de concert de Pelléas et Mélisande de Debussy, mais aussi pour celle de L’Aiglon d’Arthur Honegger et Jacques Ibert. Le choix était d’autant plus judicieux que celle-ci avait également été l’invitée de l’OSM le 17 janvier 2019 pour chanter dans cette même Symphonie no 4 sous la direction du chef invité David Robertson. Faisant son arrivée sur scène avant le début du troisième mouvement et s’imprégnant ainsi de la musique de Mahler, Hélène Guilmette démontre que si « [nulle musique sur terre n’est comparable à la nôtre », pour reprendre les mots de la première strophe du poème tiré du recueil Des Knaben Wunderhorn que chante la soliste, nulle voix est comparable à la sienne. Après le prélude orchestral, son chant lumineuse et cristallin traduit l’extrême félicité qui se dégage de la partition de Mahler. Et la finale est toute en beauté. C’est sa voix angélique qui « réchauffe les cœurs » et « éveille à la joie, pour citer à nouveaux les mots du poème… et emporte un public au paradis !

*****

Il ne fallait guère être surpris que les 1600 personnes assistant au concert - une salle comble en regard des normes sanitaires en vigueur - réservent à Kent Nagano, comme elles l’avaient fait avant même que le concert ne débute, une ovation débout prolongée… et fort méritée ! Il nous tarde de revoir bientôt Kent Nagano sur la scène de la Maison symphonique de Montréal où l’accueil ne sera pas moins enthousiaste qu’au Festival de Lanaudière dont les directeurs ont relancé l’événement estival de façon grandiose et ont su démontrer qu’ils voient pour leur festival les choses… en grand !

Kent Nagano
Festival de Lanaudière, 16 juillet 2021
Photographie : Agence BigJaw

Le prochain rendez-vous «  lyrique » que nous réserve le festival est celui avec la soprano Karina Gauvin et Les Violons du Roysous la direction du chef Nicolas Ellis. Il est prévu pour la deuxième fin de semaine du festival, plus précisément, pour le dimanche 24 juillet à 14 h. Le programme comprendra des airs tirés des opéras Armide de Glück et de La Clemenza di Tito de Mozart ainsi que la Symphonie no 39 de Haydn et la Symphonie no 25 de Mozart.   

*****

VISION DU PARADIS

PRODUCTION
Festival de Lanaudière Orchestre symphonique de Montréal

Amphithéâtre Fernand-Lindsay 16 juillet 2021

INT  : Hélène Guilmette, soprano
DM : Kent Nagano
ORC  Orchestre symphonique de Montréal

Production
Partager: