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CRITIQUE : Le mystère de Carmen : un chef d'oeuvre raconté

CRITIQUE : Le mystère de Carmen : un chef d'oeuvre raconté

Jean-Michel Richer, Dominic Boulianne, Éric Emmanuel Schmitt et Marie-Josée Lord

Charmante idée que celle de construire une pièce de théâtre autour de la création de Carmen. Eric-Emmanuel Schmitt livre un récit qui mêle l’opéra, l’analyse et le dossier de presse pour retracer l’histoire du chef d’œuvre lyrique qui a conquis le monde.

La forme de cette pièce, qui laisse une part belle à la musique est décidément des plus intéressantes. Entre les numéros chantés, Schmitt reprend la parole en se glissant dans la peau de différents personnages : tantôt il est Bizet, tantôt, le directeur de l’Opéra-Comique, mais le plus souvent, il est conteur et observateur et apporte des précisions qui témoignent de l’ampleur du travail de recherche qui a accompagné l’écriture. Il s’intéresse surtout aux liens existants entre la vie personnelle de Bizet et son chef-d’œuvre en relevant les nombreuses normes sociales que le personnage de Carmen a transgressé à son époque. L’auteur-narrateur partage aussi avec le public des détails à propos de l’œuvre qui sont souvent méconnus comme c’est le cas d’une critique parue au lendemain de la création déplorant qu’on ne retienne aucune mélodie de cet opéra alors que de nos jours, plusieurs airs font désormais partie des tubes de la musique classique. À ce sujet, le public a également pu entendre une version alternative de « L’amour est un oiseau rebelle », qui se révèle franchement moins mémorable que la version définitive que l’on connaît si bien.  

C’est Marie-Josée Lord qui incarnait les personnages féminins habitant les œuvres de Bizet. Sa Carmen ne manque pas de feu même s’il y a parfois des moments où sa présence scénique est moins prégnante. Toutefois, sa Djamileh et son hôtesse arabe gagneraient à être peaufinées, surtout en ce qui concerne la diction qui est très inégale. On perd complètement le texte lorsque sa voix quitte le registre médium. Son partenaire de scène, Jean-Michel Richer (ténor), est pour sa part captivant et nous fait voyager du loufoque Pasquin du Docteur Miracle au plus tragique Don José en passant par l’amoureux transis de La jolie fille de Perth. Les deux chanteurs sont soutenus par Dominic Boulianne dont le jeu pianistique est toujours juste et complète agréablement l’atmosphère de l’œuvre.  

Cette histoire si brillamment racontée est présentée dans une scénographie minimale, mais dont les effets sont des plus réussis. Le rideau à frange sur lequel sont projetées des images donne un caractère vaporeux quasi impressionniste au décor, ce qui se prête bien au récit élaboré par Eric-Emmanuel Schmitt mêlant réalité et fiction. En somme, Le Mystère Carmen est un spectacle musical très bien construit, qu’il vaudrait la peine de revoir.

Le Mystère Carmen, spectacle musical d’Eric-Emmanuel Schmitt
Production : Théâtre du Nouveau Monde
Théâtre du Nouveau Monde, 26 février 2019
INT : Marie-Josée Lord (soprano); Jean-Michel Richer (ténor)
MES : Lorraine Pintal
PIA : Dominic Boulianne

Production
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