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À DÉCOUVRIR – Création mondiale de The Miss Chief Cycle, par Kent Monkman, à la Salle Bourgie

À DÉCOUVRIR – Création mondiale de The Miss Chief Cycle, par Kent Monkman, à la Salle Bourgie

Dans le cadre de l’exposition Kent Monkman : L’Histoire est dépeinte par les vainqueurs, présentée au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), la Salle Bourgie offrira au public montréalais la chance unique d’assister, le 30 septembre prochain, à la création mondiale de The Miss Chief Cycle, une œuvre lyrique de Kent Monkman créée en collaboration avec l’autrice et artiste médiatique Gisèle Gordon et le compositeur Dustin Peters. Artiste multidisciplinaire d’origine crie, Monkman s’est inspiré de son récent livre, The Memoirs of Miss Chief Eagle Testickle, coécrit avec Gordon, pour proposer trois scènes lyriques mettant de l’avant le personnage de Miss Chief, en dialogue avec deux personnages issus du monde colonial ; ces scènes constituent une première forme d’adaptation musicale et scénique du livre, appelée à se développer ultérieurement. L’Opéra s’est entretenu avec  Kent Monkman et Dustin Peters pour en savoir plus.

Selon Kent Monkman, l’idée de la performance était déjà sous-jacente à l’élaboration des Mémoires, à travers la représentation même de l’acte d’écriture de Miss Chief. Par son témoignage, la protagoniste propose sa vision de l’existence, qu’elle articule sous forme de contre-discours aux conceptions occidentales colonisatrices, lesquelles sont incarnées respectivement par la figure du peintre et de la religieuse. Dès l’écriture du livre, Monkman et Gordon savaient qu’ils élaboraient la trame narrative d’une œuvre de performance de plus grande envergure : il restait à trouver le bon véhicule. La proposition de Bourgie, invitant Monkman à créer une œuvre complémentaire à son exposition au MBAM, a dès lors agi comme catalyseur, la portée de la salle invitant à une proposition proprement musicale, dans un dispositif de musique de chambre. Le public du 30 septembre pourra donc entendre les voix de la mezzo-soprano d’origine Kwagiulth et Stó:lō Marion Newman, de la soprano albertaine Caitlin Wood et du chanteur et compositeur québécois Laurent Bergeron, toutes et tous choisis pour la fluidité de leurs couleurs vocales et pour leur capacité à voyager entre les registres. Ils seront musicalement soutenus par un ensemble de chambre formé par des musiciennes et musiciens de l’OSM, soit Florence Laurain à la flûte, Victor Fournelle-Blain à l’alto et Charles Benaroya au trombone. L’ensemble sera enrichi par un accompagnement de musique électronique.

Pour la plupart des collaborateurs et collaboratrices impliqués, il s’agira d’une première approche du genre opératique, soutenue toutefois par une combinaison d’expériences artistiques alliant la musique, le théâtre et la scène. Monkman, grand amateur d’opéra, est également familier avec l’univers du théâtre, au sein duquel il a œuvré par le passé. Peters est quant à lui un habitué de la composition vocale et de la mise en musique de textes – ce qui lui a permis de contribuer à dégager la musicalité des mots de la librettiste Gisèle Gordon – ainsi que de la musique de scène, ayant beaucoup composé pour la danse. Cette somme de visions artistiques donne dès lors lieu à un objet musical lyrique, à n’en pas douter, mais que les créateurs hésitent à qualifier d’opéra : « Opéra, à défaut d’un meilleur terme », disait Peters en entrevue. C’est que le mot vient forcément avec un bagage de préconceptions avec lesquelles il faut transiger, comme l’a souligné le compositeur. Il s’agit assurément d’un travail processuel, puisque les trois scènes qui seront présentées en grande primeur à Montréal ne sont en réalité qu’un aperçu de l’œuvre à venir, dont les développements ultérieurs sont en cours de planification. Dans cette optique, les artistes ont choisi un dispositif scénique minimaliste : des costumes, des éclairages, une mise en espace. De quoi contempler la suite à venir avec impatience, d’autant plus que seuls une poignée de mélomanes pourront se targuer d’avoir assisté à la création mondiale, à Montréal, de cette première version de The Miss Chief Cycle : à l’heure d’écrire ces lignes, et depuis au moins une semaine, les billets étaient tous vendus. La proposition enthousiasme autant par son originalité, son ancrage pluridisciplinaire que par la grande actualité de son propos. À découvrir, si vous en avez la chance !

Crédit photo : Broadway World


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