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TÊTE D'AFFICHE - Geoffroy Salvas

TÊTE D'AFFICHE - Geoffroy Salvas

Photographie : Sylvie-Ann Paré

Ancien résident de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal et formé au Conservatoire de musique de Montréal sous la direction successive de Gabrielle Lavigne puis d’Aline Kutan, Geoffroy Salvas possède une feuille de route qui ne cesse de s’allonger et qui se partage entre le concert et la scène lyrique.

Ces deux facettes du métier d’interprète lui permettent d’aborder la musique de manière différente. Il avoue d’ailleurs rechercher la combinaison des deux pratiques. « L’opéra, c’est une grosse machine formidable. Il y a la conception des éclairages, la scénographie, les costumes, la mise en scène, qui sont des éléments qui sont souvent hors du contrôle des chanteurs. À travers tout ça, l’équilibre entre le drame et la musique est parfois une question de négociation. Il s’agit de trouver ce qui sert le mieux une histoire ou un personnage à chaque moment de l’œuvre. On marche sur un fil de fer où l’émotion doit monter au maximum parfois de façon très physique, tout en gardant un contrôle sur l’instrument ». Chanter en concert est une autre approche, qui permet à l’interprète de se concentrer plus directement sur la musique, sans avoir à composer avec un accessoire mal placé, ou un éclairage qui n’arrive pas au moment voulu.

La différence entre les deux pratiques et la complémentarité qui s’en dégage, Geoffroy Salvas les résume très clairement : « Chanter à l’opéra amène à rechercher l’extase et la justesse dramatique, tandis que le concert permet la recherche de la perfection musicale en accordant la priorité à la symbiose entre la partie vocale et la partie instrumentale », explique-t-il. Ces deux versants de la pratique vocale l’ont amené à interpréter un répertoire très varié, de Bach à Schubert, en passant par Mozart et Gounod. Le baryton reconnait que d’être un bon généraliste est une approche à privilégier pour élargir les possibilités sur le plan professionnel, mais il ne cache pas avoir voulu développer une spécialisation pour un répertoire plus ciblé. « Cette spécialité s’est naturellement imposée comme étant le répertoire français. Très tôt dans mes études, dès que j’ai compris que j’avais une affinité certaine avec ce répertoire, j’ai redoublé d’efforts pour travailler la diction française de manière très minutieuse, et j’ai ensuite intégré ces notions à ma technique vocale ». Ce souci d’intelligibilité, Geoffroy Salvas l’a peu à peu appliqué aux autres langues dans lesquelles il chante. Sa pratique accorde ainsi une part importante à l’étude du texte, qu’il travaille longuement seul avant d’intégrer la musique.

Cet été sera l’occasion de l’entendre dans son répertoire de prédilection, puisque Geoffroy Salvas sera de la distribution de la production de La vie parisienne présentée du 2 au 4 août 2024 dans le cadre du Festival d’opéra de Québec. Celui qui incarnera Bobinet n’en est d’ailleurs pas à son premier contact avec l’œuvre d’Offenbach, d’Henri Meilhac et de Ludovic Halévy puisqu’il a déjà chanté à deux reprises le rôle du Vice-roi du Pérou dans La Périchole des mêmes auteurs, notamment avec l’Opéra bouffe du Québec à l’automne 2023. « J’ai rapidement trouvé mes repères dans le rôle de Bobinet ; j’ai aussi reconnu des codes propres à la musique d’Offenbach et le style d’humour à la fois fin et grivois de Meilhac et Halévy », précise-t-il à cet égard.

Ce qui l’interpelle le plus dans La vie parisienne est justement cet humour qui frôle par moment ce qui deviendra l’humour absurde dont on ne connaitra l’apogée que dans les années 1950. Le chanteur apprécie tout particulièrement les jeux sur les frontières entre le théâtre, la comédie musicale et l’opéra. « On se moque du grand opéra en évoquant les grands airs et duos à la Donizetti, mais en prenant pour support un texte des plus banals ». La hiérarchie sociale de l’époque est aussi écorchée au passage alors que les domestiques jouent les maîtres ou se travestissent en touristes. « Il n’y a pas de grandes intrigues, tout le matériel musical et dramatique est au service de l’humour. On est là pour s’amuser et rire ! Voilà qui rassemble et qui fait un bien fou à l’âme et au cœur », rapporte Geoffroy Salvas.

La production imaginée par le metteur en scène Jean-Romain Vesperini – dont on a pu apprécier le travail dans le Faust de Gounod présenté lors de l’édition 2022 du Festival d’opéra de Québec – a la singularité de placer l’action dans le Paris branché des années 1980. Selon le chanteur, le récit peut encore tenir la route dans ce contexte antérieur à l’avènement des technologies et de leur omniprésence dans notre quotidien. « À la fin du siècle dernier, il était encore possible de se promener en touriste à Paris, sans GPS ni téléphone intelligent ; il y avait encore une part de mystère au fait de partir en voyage ». Geoffroy Salvas entrevoit donc ce choix comme une façon de rapprocher le plus possible l’œuvre de notre époque : « c’est une excellente prémisse, qui permet de moderniser l’enveloppe de l’œuvre, les costumes et les décors, sans toutefois en dénaturer le propos ».

La prochaine saison amènera le baryton à se produire sur la scène de l’Opéra Grand Avignon du 28 février au 4 mars 2025, où il prendra le rôle de Marcello dans La bohème de Puccini. C’est un rôle qu’il prépare avec beaucoup de précision : « La bohème est une œuvre phare du répertoire, elle est souvent programmée et Marcello a été chanté par les plus grands barytons de ce monde. Les attentes sont très grandes lorsqu’on se frotte à ce genre de répertoire. J’approche donc cette prise de rôle avec le plus grand sérieux, d’autant plus que c’est un rôle que j’aime beaucoup, que j’aime chanter et que j’espère refaire souvent tout au long de ma carrière », précise-t-il. Ce rôle est en fait l’occasion d’un retour sur le vieux continent pour le chanteur, qui a fait ses débuts en Europe durant la courte saison 2019-2020, juste avant que ne frappe la pandémie de Covid-19. Comme plusieurs autres collègues, le développement de sa carrière à l’international a été freiné, et ce n’est que maintenant que les contres-coups de la pandémie commencent tranquillement à s’estomper. Au hasard des reports et des conflits d’horaire, il lui aura fallu attendre cinq ans pour que se concrétise enfin un projet outre-mer. La prise de rôle de Marcello représente donc un jalon important : « c’est pour moi le recommencement très attendu de ma carrière à l’international », conclut-il.

Pour ne rien manquer des prochaines performances de Geoffroy Salvas, consultez son calendrier en cliquant ici.

Pour en savoir plus sur la production de La vie parisienne présentée dans le cadre du Festival d’opéra de Québec, cliquez ici.


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