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RÉTROSPECTIVES- La Flûte enchantée au Québec

RÉTROSPECTIVES- La Flûte enchantée au Québec

Zuzana Marková (Pamina) et Theo Hoffman (Papageno)
La Flûte enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart 
Los Angeles Opera, 2019

Die Zauberflöte (La Flûte enchantée) de Wolfgang Amadeus Mozart, composée sur un livret d’Emanuel Schikaneder, a été présentée pour la première fois le 30 septembre 1791 à VienneC’est dans cette œuvre, aux résonances franc-maçonnes affirmées, que le très célèbre air « Der Hölle Rache » de la Reine de la nuit figure. Il aura pourtant fallu attendre plus d’un siècle et demi avant que cet opéra soit donné en version complète au Québec. Retour sur le parcours d’une œuvre fantaisiste.

La première représentation de La Flûte enchantée au Québec aurait été donnée par la compagnie Opera Guild of Montreal en 1945. Fondée en 1941 par Pauline Donalda avec la mission de présenter des opéras, des récitals, des concerts et des comédies musicales, la compagnie inscrira à son programme quatre ans plus tard deux opéras mozartiens : Così fan tutte et La Flûte enchantée. Certains auteurs dans l’Encyclopédie canadienne remettent en question l’affirmation selon laquelle cette production de La Flûte enchantée présentée en 1945 aurait été la première au pays, mais il est difficile de retracer une production de cette œuvre antérieure à cette date. Sans avoir été la première canadienne de l’œuvre, il semble dès lors plausible que cette production de l’Opera Guild se soit avérée être la première québécoise de La Flûte enchantée. Il n’a pas été possible de retrouver la liste des interprètes de cette production, mais il est probable qu’une bonne partie de la distribution ait été constituée de chanteurs étrangers et qu’elle ait été complétée par quelques artistes lyriques du Québec, vraisemblablement Léopold Simoneau dans le rôle de Tamino et Pierre Vidor dans celui de Monostatos.

C’est donc assez tardivement que cette œuvre de Mozart entre dans le répertoire des compagnies lyriques québécoises. Il y a lieu de penser que la barrière de la langue, à moins que ce ne soit la difficulté de trouver une traduction en français, soit la cause de cette attente. Rappelons que La Flûte enchantée doit être chantée en allemand et que d’autres œuvres de ce compositeur dont les livrets sont en italien, comme Le Nozze di Figaro ou encore Don Giovanni avaient été représentées dès 1a fin des années 1920.

Entre la production de 1945 et le début des années 1980, La Flûte enchantée ne semble pas avoir été jouée très souvent sur les scènes lyriques du Québec. Même au sein des deux grandes compagnies lyriques actuelles que sont l’Opéra de Québec et l’Opéra de Montréal, on constate une présence plutôt effacée de La Flûte enchantée. En effet, elle n’a été présentée qu’à trois reprises dans les vingt premières années d’existence de ces deux compagnies fondées au début des années 1980 (1986, 1991, 1996). On remarque cependant un regain d’intérêt pour cette œuvre au tournant du XXIe siècle alors qu’elle revient plus régulièrement sur les grandes scènes (2000, 2003, 2009, 2015, 2018, 2019). La production de l’édition 2018 du Festival d’Opéra de Québec, dont la mise en scène avait été confiée à Robert Lepage, a d’ailleurs marqué les esprits. Puisant dans le black art pour accentuer les contrastes et faire ressortir l’opposition entre l’ombre et la lumière, la mise en scène de Lepage avait été qualifiée « d’émerveillement visuel » par le critique musical Christophe Huss (« Mozart, Lepage et la vision de l’âme », Le Devoir, 1er août 2018).

S’agissant des artistes lyriques d’ici qui se sont distingués dans La Flûte enchantée, il faut souligner les chanteuses québécoises qui ont été considérées, à juste titre, comme de grandes Reines de la nuit. Ainsi, la soprano Colette Boky faisait d’ailleurs ses débuts au réputé Metropolitan Opera de New York dans ce rôle en 1967. À la même époque, France Dion a tenu ce rôle au Festival de Glyndebourne, puis, dans les années 1970, c’est Louise Lebrun qui se fera remarquer à son tour dans ce rôle aux festivals de Glyndebourne, Santa Fe et Salzbourg. Il n’en demeure pas moins que la plus grande Reine de la nuit québécoise est sans conteste Aline Kutan qui a chanté ce rôle à près de 130 reprises dans plus de 25 productions partout dans le monde (à ce sujet, voir L’Opéra, no 18, p. 12).

Plusieurs autres grandes voix québécoises ont été mises à contribution dans La Flûte enchantée, ici et ailleurs dans le monde, comme en fait d’ailleurs foi le tableau suivant :

En mai 2020, l’Opéra de Montréal présentera La Flûte enchantée sous la direction musicale de Christopher Allen, avec une distribution internationale complétée par plusieurs résidents et résidentes de son Atelier lyrique, dont Elizabeth Polese (Papagena), Jean-Philippe Mc Clish (soldat), Andrea Nuñez, Kirsten Leblanc et Florence Bourget (dames). Il s’agit de la version mise en scène par Barrie Kosky pour le Komische Oper de Berlin et qui s’inspire de l’esthétique du cinéma muet. Acclamée sur la scène internationale, cette production s’annonce des plus intéressantes !

La Flûte enchantée en chiffres

Pour la saison 2019-2020, La Flûte enchantée se classe au cinquième rang des opéras les plus joués à l’échelle internationale selon le site operabase.com. Avec un total de 101 productions, La Flûte enchantée se positionne tout juste derrière Don Giovanni du même compositeur dont 136 productions sont recensées pour cette saison. Dans les dix dernières années au Canada, 16 productions de La Flûte enchantée ont été montées, pour un total de 86 représentations, faisant de cet opéra le deuxième plus présenté au Canada entre 2009 et 2019 derrière Carmen de Bizet.


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