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Un Lohengrin par François Girard au Большой театр (Grand théâtre Bolchoï) à Moscou

Un Lohengrin par François Girard au Большой театр (Grand théâtre Bolchoï) à Moscou

Après Siegfried (Toronto), Parsifal (Lyon et New York) et Le Vaisseau fantôme (Québec et New York), François Girard poursuit son exploration de l’univers wagnérien en mettant en scène Lohengrin. C’est au Théâtre du Bolchoï qu’aura lieu le 24 février 2022 la première de cette nouvelle coproduction du Bolchoï et du Metropolitan Opera de New York. 

Rejoint à Moscou où il s’inquiète comme tant d’autres du déploiement de troupes des forces armées de la Fédération de Russie aux frontières de l’Ukraine, le metteur en scène québécois se dit particulièrement fier de participer à ce qui est vu dans le milieu lyrique russe comme une réappropriation de la musique du maître de Bayreuth par le Bochoï. La dernière production de Lohengrin - qui avait été présentée « dans le style constructiviste », comme le rappelle Jacques Barioz dans un article sur « Wagner chez les Soviets » - date de 1932. Il aura fallu patienter 90 ans avant qu’une version scénique d’un opéra de Wagner soit à nouveau présentée à l'historique Grand Théâtre.

Leonid Sobinov (Lohengrin)
Lohengrin de Richard Wagner
Théâtre Bolchoï, 1932
Toile : Ivan Ivanovich Golikov

Après cinq semaines de répétitions, François Girard admet que la préparation de cette nouvelle production n’aura pas été exemptée de problèmes liés à la situation de pandémie de COVID-19. Ces problèmes ont pu être gérés avec l’aide du directeur du Bolchoï Vladimir Ourine, avec lequel le metteur scène québécois a développé une grande complicité.

Le virus a fait de nombreuses victimes parmi les choristes, et les effectifs ont été progressivement réduits. Sous la direction du chef de choeur Valéry Barisov, l'ensemble choral devrait tout de même pouvoir compter de 80 à 90 chanteurs et chanteurs (plutôt que 130) lorsque le rideau se lèvera sur la production. Quelques concepteurs ont également été atteints par la maladie, mais les solistes y ont jusqu'à maintenant échappé. François Girard a lui-même usé de prudence en portant le couvre-visage tout au long des répétitions.

François Girard en répétition à Moscou pour la production de Lohengrin
avec le baryton-basse russe Nikolai Kazanskiy (Hérault du Roi) (à sa gauche)
et la basse allemande Guenther Groissbeck (à sa droite)
Photographie : Damir Yusupov

François Girard apprécie en outre le travail du chef germano-américain Evan Rogister qui s’affirme comme un spécialiste de l’opéra wagnérien, ayant dirigé de 2018 à 2021 un premier cycle complet du Ring des Nibelungen à l'opéra de Göteborg ainsi que Rienzi et Tannhäuser au Deutsche Oper Berlin et Lohengrin à l’Opéra royal suédois. 

Le chef Evan Rogister et François Girard
Photographie : Damir Yusupov

Il se dit aussi heureux de retrouver la soprano Johanni van Oostrum, qui incarnera le personnage d’Elsa de Brabant et qui avait été sa Senta dans la production de Die Fliegende Holländer (Le Vaisseau fantôme) au Festival d’opéra de Québec en 2019. Alors que deux autres chanteuses russes, Anna Nechaeva et Anastasia Shchlegoleva, joueront aussi Elsa au cours de la production, le Bolchoï fait appel aux « Heldentenor » Brenden Gunnell, Tomislav Mužek et Sergie Skorokhodov pour interpréter le rôle-titre. François Girard est impressionné par le travail de la basse « uranium » Günther Groissböck qui, dans le rôle d’Heinrich der Vogler (Henri l’Oiseleur), devrait faire grande impression auprès du public du Bolchöi. Les autres membres de la distribution devraient aussi tirer leur épingle du jeu. La liste complète des interprètes des rôles de Friedrich von Telramund, du duc de Gotfried, d’Ortrud, du Héraut d’Armes du Roi, des quatre nobles du Brabant et des quatre écuyers est accessible ici.

Les divers concepteurs associés à la production, qu'il s'agisse de Tim Yip aux costumes et décors, de Peter Flaherty aux vidéos et de David Finn aux éclairages, devraient faire de cette production un événement visuel d'exception.

En échangeant avec François Girard, il est intéressant de constater que celui-ci cherche à rapprocher les œuvres de Richard Wagner et à créer une continuité dans ses mises en scène. Dans une entrevue donnée à Olesya Bobrik, qui est accessible sur le site du Théâtre Bolchoï sous le titre « Lohengrin is back ! », le metteur en scène affirme :

« Le synopsis des deux oeuvres permet de traiter Lohengrin comme la suite de Parsifal. Elles représentent deux mondes différents : Parsifal se déroule dans le monde magique alors que Lohengrin est dans le monde réel, le monde humain. Les productions auront deux choses en commun : un costume de chevalier pour Lohengrin, identique à celui des chevaliers de Parsifal, et un ciel cosmique en format vidéo.  Ce contenu vidéo est la plus grande similitude entre les deux productions. Les personnages, les décors et les costumes sont complètement différents. Par conséquent, alors que notre production de Parsifal se déroule dans le présent, Lohengrin se déroule dans le futur, au milieu du 21e siècle. Nous sommes transportés dans le temps, avec un nombre d'années qui correspond à l'âge de Lohengrin, ou du chanteur qui chante Lohengrin, disons. À une époque où les fondations du monde humain sont détruites...  » (traduction libre)

Dans l’attente de la première de Moscou, François Girard se dit emballé par le niveau de professionnalisme des instrumentistes, des choristes et des équipes de production du Bolchoï, et il est confiant que les représentations moscovites seront couronnées de succès. Il rappelle par ailleurs que les opéraphiles du Québec pourront voir la même production au Metropolitan Opera de New York entre le 26 février et le 1er avril 2023 qui devrait mettre en présence Anna Netrebko, Piotr Beczala et Christine Goerke sous la direction musicale de nul aitre que Yannick  Nézet-Séguin !

Théâtre Bolchoï
Moscou


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