NOUVELLE - Unruly Sun : Une œuvre qui crée un pont entre les générations
Mark Campbell (photographie: Stephen Tracy) et Matthew Ricketts (photographie Michael Kuhn)
Bien que le compositeur Matthew Ricketts et le librettiste Mark Campbell se connaissent depuis près de cinq ans, le cycle de mélodies Unruly Sun constitue leur toute première collaboration. En préparation depuis l’automne 2020, cette œuvre sera dévoilée au public pour la première fois le 1er décembre prochain, lors de la Journée mondiale de lutte contre le sida. Le choix de cette date n’a pas été laissé au hasard, puisque le cycle met en scène un jeune artiste activiste qui découvre le monde artistique du cinéaste américain Derek Jarman – lui-même décédé des conséquences de la maladie – à travers ses mémoires.
Bien que le cycle aborde l’univers de Jarman, Mark Campbell précise qu’il ne s’agira pas d’une biographie de l’artiste. Cependant, il était important selon Campbell de lui rendre hommage puisqu’il a été une figure importante de la lutte contre le sida. « En tant qu’homme homosexuel provenant d’une génération qui a été fortement affectée par cette maladie, j’ai perdu beaucoup de gens dans mon entourage à cause du sida. J’ai donc voulu honorer sa mémoire via mon travail », explique-t-il. Il s’agit également selon Ricketts d’engendrer un dialogue intergénérationnel sur les conséquences du sida et ainsi de créer des ponts entre les générations qui en ont souffert. Aussi, Campbell se dit fortement marqué par l’ouvrage Modern Nature faisant partie des mémoires de Jarman, dont on pourra percevoir des échos dans Unruly Sun.
Le choix du cycle de chansons afin de mettre en musique leur histoire ne s’est pas fait automatiquement. Durant l’entretien, les auteurs ont expliqué avoir d’abord hésité entre le théâtre musical, l’opéra et le récital avant de mettre de l’avant l’écriture de chansons. Or, si les chansons sont séparées et possèdent clairement un début ainsi qu’une fin, la musique, elle, se déploie en continu. Chacune des chansons dégage une idée qui lui est propre, mais l’ensemble est relié par la musique via notamment des interludes et contient une forte dimension théâtrale. Unruly Sun résulte donc en un hybride de plusieurs genres musicaux, « une œuvre qui oscille entre l’expérience théâtrale et le concert », spécifie Campbell. Il utilise d’ailleurs l’expression theatrical song cycle, qui à son avis définit bien l’essence d’Unruly Sun.
En ce qui a trait spécifiquement à la musique, elle a été composée alors que l’interprète principal – le ténor Karim Sulayman – avait déjà été choisi. L’œuvre a donc été façonnée selon les forces vocales du ténor, qui a été impliqué dans le processus de composition. Matthew Ricketts explique également que cette œuvre lui a permis d’explorer de nouveaux chemins musicaux. « C’est comme si le langage musical mobilisé dans ce cycle avait toujours été en moi et qu’il a pu émerger au cours du projet », précise le compositeur. C’est une œuvre de contrastes, qui s’allie au texte et qui explore diverses humeurs et émotions. On entendra des influences notamment de George Benjamin, Benjamin Britten, Joanna Newsom, Thomas Adès, Franz Schubert et même une touche de musique baroque. Ce dernier style a été mobilisé afin d’accompagner l’extrait d’un poème de l’anglais John Donne (1572-1631) qui a fortement marqué Derek Jarman. Le titre Unruly Sun provient d’ailleurs de ce poème, qui permet un jeu de mots entre les homophones anglais sun et son, traçant ainsi un lien d’une part avec la nature qu’on ne peut pas contrôler et d’autre part avec le fait que Derek Jarman a été un « unruly son » de l’Angleterre. Le cycle mobilisera donc une pluralité de langages musicaux, qui résultera en un tout cohérent.
Lorsque nous avons demandé aux créateurs à quoi devait s’attendre le public dans le cadre de cette performance musicale, ils ont spécifié qu’il ne s’agirait pas d’un récital traditionnel, marqué par des pauses entre les numéros. C’est un spectacle théâtral en continu, qui accentue la joie et la beauté émanant de la forte cohésion entre la musique et le livret. Mark Campbell espère également que l’œuvre permettra au public de comprendre dans quelle mesure l’épidémie du sida – qui est toujours en cours – a affecté toute une génération de personnes homosexuelles et que certaines personnes pourront reconnaître en Unruly Sun leur propre histoire. Ce sera une soirée haute en émotions : tristesse, certes, mais aussi amour, humour et amitié.
Des billets sont toujours disponibles pour ce spectacle unique qui sera présenté le 1er décembre prochain au Cirque Éloize. Afin de vous en procurer, cliquez ici.