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Le Manuscrit trouvé à Saragosse de José Evangelista : le pastiche hispanisant de la Société de musique contemporaine du Québec

Le Manuscrit trouvé à Saragosse de José Evangelista : le pastiche hispanisant de la Société de musique contemporaine du Québec

Manuscrit trouvé à Saragosse, opéra de José Evangelista sur un livret d’Alexis Nouss d’après Jan Potocki
Production : Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ)
Studio-théâtre Alfred-Laliberté, UQÀM, 7 juin 2018
DM : Walter Boudreau
INT : Jacques Arsenault (ténor), Marie-Annick Béliveau (mezzo-soprano), Michel Ducharme (baryton-basse), Suzie LeBlanc (soprano), Bernard Levasseur (baryton), Dion Mazerolle (baryton), Monique Pagé (soprano), Vincent Ranallo (baryton) et Michiel Schrey (ténor)
MES : Lorraine Pintal 
ORC : Ensemble de la SMCQ    

C’est devant une salle comble que Manuscrit trouvé à Saragosse, opéra de José Evangelista, était présenté pour un soir seulement, le 7 juin dernier. L’œuvre était dirigée avec talent par Walter Boudreau dans le cadre de la série « Hommage » à José Evangelista de la SMCQ.

Issu de la collaboration d’Evangelista et d’Alexis Nouss, l’opéra est basé sur le roman éponyme de Jan Potocki, aristocrate polonais du XVIIIe siècle. Mêlant le roman picaresque et fantastique, le récit relate le voyage d’Alphonse Van Worden, capitaine des Gardes wallonnes de Philippe V d’Espagne. Au pied d’un gibet, il vit un parcours initiatique où il rencontre plusieurs personnages qui racontent leurs propres histoires.

Créée en 2001, l’œuvre était reprise dans une version de concert avec une mise en scène de Lorraine Pintal. Le défi était grand puisque l’opéra compte trente-deux personnages incarnés par neuf chanteurs.

Les brillantes interprétations de Bernard Levasseur, qui avait créé le rôle d’Alphonse Van Worden en 2001, et de Jacques Arsenault dans le génial numéro du géomètre, méritent d’être soulignées. Toutefois, l’utilisation de châles de différentes couleurs pour distinguer les personnages selon leur ethnie et/ou religion était redondante, cette distinction étant déjà présente dans la musique d’Evangelista qui, inspiré par le foisonnement de personnage, avait résolu la question en empruntant à plusieurs traditions musicales – folklore espagnol, flamenco, musiques juives, musiques de l’islam – pour représenter les origines des personnages. Les changements de châles donnaient parfois l’impression que les chanteurs ne savaient plus comment s’en affubler. D’ailleurs, un homme portant le châle à la façon d’une madone a quelque chose d’étrange, si ce n’est dérangeant.

Le pastiche était donc fort présent dans ce spectacle. Trop peut-être. Dans la mesure où il constituait déjà le principe central de la musique par les emprunts et l’emploi du clavier qui imitait d’autres instruments, il aurait sans doute été préférable que la mise en scène évite les stéréotypes espagnolisant. Marie-Annick Béliveau ne semblait guère à l’aise dans le numéro de danse arabisant des cousines mauresques. De la même façon, le numéro de danse inspiré du flamenco était boiteux, le manque de synchronisation dans l’imitation des jeux de palmas (claquement des mains) étant du plus triste effet. Ce qui nous fait nous demander : les sujets espagnols sont-ils condamnés à n’être traités qu’en reprenant les codes de l’exotisme flamenco à la manière de Carmen ?  

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