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CRITIQUE - À la découverte de Medtner : envoûtant moment musical

CRITIQUE - À la découverte de Medtner : envoûtant moment musical


Myriam Leblanc
Photographie: Brent Callis

Dans une entrevue réalisée quelques semaines avant qu’elle ne partage la scène avec le pianiste Charles Richard-Hamelin à la salle Bourgie, Myriam Leblanc s’exprimait ainsi à propos de son récital à venir : « Ce sera un beau moment de méditation avec de la très belle musique. Comme il n’y a pas de parole, on peut fermer les yeux et se laisser porter par la musique. » La soprano décrivait ainsi précisément toute la puissance que véhiculent les œuvres de Nicolaï Medtner (1880-1951) que nous avons pu découvrir – ou redécouvrir – auprès du duo hier soir. La grande qualité de l’interprétation ainsi que l’émouvante énergie qui s’en dégageait ont fait de ce concert un moment musical unique.

Comme nous le précisait Charles Richard-Hamelin durant une intervention avec le public, Medtner est un compositeur qui ne bénéficie pas d’une grande tribune au sein des répertoires de concerts au Québec. Compositeur russe aux ascendances danoise et suisse, il se présentait en concert le plus souvent pour faire la promotion de ses propres œuvres. Le piano était son instrument de prédilection : l’entièreté de son répertoire est consacrée à cet instrument. Fait intéressant, Richard-Hamelin nous a également mentionné qu’il y a près de 100 ans, en novembre et en décembre 1929, Medtner était de passage au Québec, laissant donc sa trace dans la vie musicale de la province.

Dès les premières mesures de la Suite-Vocalise, le timbre rond et envoûtant de Myriam Leblanc résonnait à merveille dans la salle de concert dont l’acoustique est souvent vantée – non sans raison. Cette pièce demande une technique vocale sans faille : l’absence de parole rend la ligne mélodique limpide et tout écart y serait perceptible. La soprano a donc pu démontrer non seulement la grande maîtrise qu’elle possède de son instrument, mais également un contrôle hors du commun des différentes nuances, paramètre musical mis en valeur tout au long de l’œuvre. Son interprétation laissait tantôt place au chant purement classique, tantôt à une voix plus douce et exempte de fioriture ; cela faisait écho à la préface de l’œuvre rédigée par le compositeur, dans laquelle il précisait que ces chants seraient magnifiquement interprétés par une bergère. À certains moments, la mélodie chantée semblait se fondre avec la partie de piano, ce qui accentuait la grande chimie qui était apparente entre les deux interprètes. Finalement, les longues notes tenues sans vibrato qui clôturaient chacun des mouvements constituaient des moments de pure beauté où le chant semblait être présenté à son état naturel, c’est-à-dire dépouillé de toute ornementation.

La seconde œuvre mettant en vedette la soprano était divisée en deux temps : d’abord une mélodie chantée en allemand, puis la reprise des vocalises. Comme pour souligner ces changements, les lumières de la salle ne se sont éteintes qu’au moment où se terminaient les mots, nous replongeant ainsi dans cette ambiance de flottement que créaient ces longs mélismes. La Sonata-Vocalise est empreinte d’un caractère beaucoup plus fort que la première œuvre vocale, ce qui nous a permis de constater toute la force de la présence scénique de Myriam Leblanc, dont la capacité de transmettre des émotions au public n’a pas été freinée par l’absence de mots.

De son côté, Charles Richard-Hamelin a livré une performance d’une grande finesse. Il a interprété avec brio l’unique œuvre pour piano seul présentée lors du concert, soit les Mélodies oubliées. Bien que la partition ait semblé très complexe, on a pu entendre chacune des notes à travers son jeu d’une grande clarté. La texture assez dense de la pièce apportait un contraste intéressant avec les autres pièces du répertoire présenté lors du concert, nous faisant découvrir ainsi une autre facette du langage de Medtner. Durant les pièces en duo, le pianiste soutenait avec justesse la soprano. Parfois, lorsque la mélodie vocale était doublée par le piano, les deux artistes ne semblaient faire qu’un.  

Charles Richard-Hamelin
Photographie: Elizabeth Delage

Ce concert a certainement permis à l’auditoire de prendre connaissance de l’étendue de sons qu’il est possible de produire en jouant simplement avec l’ouverture de la bouche en modifiant uniquement la caisse de résonnance que représente la cavité buccale. Une ouverture d’à peine quelques millimètres modifie drastiquement la texture du son chanté. Il était très intéressant d’être témoin ce jeu de sonorités. Myriam Leblanc et Charles Richard-Hamelin ont ainsi réussi leur mission visant à présenter Medtner aux mélomanes ; tous et toutes semblaient bien d’accord avec la soprano qui a lancé un « Vive Medtner! » énergique avant d’offrir un rappel au public debout, qui applaudissait vigoureusement la fin de ce récital de haut calibre.

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Charles Richard-Hamelin et Myriam Leblanc : À la découverte de Medtner

Suite-Vocalise, op. 41, no 2
Mélodies oubliées pour piano seul, op. 39
Sonata-Vocalise, op. 41, no 1

Production : salle Bourgie
17 novembre 2021, salle Bourgie, Montréal

INT : Myriam Leblanc, soprano
PIA : Charles Richard-Hamelin

Production
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