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CRITIQUE - Chants libres – Le « Prélude à l’opéra » : Bien plus qu’un hors-d’œuvre

CRITIQUE - Chants libres – Le « Prélude à l’opéra » : Bien plus qu’un hors-d’œuvre


La salle vide et l’Auteur (Sébastien Ricard), « Prélude à l’opéra », Chants Libres, 2021
Photographie: Manuel A. Codina

La création de L’Orangeraie étant reportée en octobre 2021 à cause de la pandémie, la compagnie Chants libres s’’est tournée, comme bien d’autres producteurs musicaux, vers la webdiffusion. Devant cette volte-face numérique réalisée à la vitesse grand V, Pauline Vaillancourt et le réalisateur Manuel A. Codina ont eu l’intelligence de créer non pas la simple captation d’un opéra en version concert, mais bien une nouvelle œuvre, une forme de mise en abyme de l’opéra et du processus de création artistique.

 C’est bien là l’originalité de cette webdiffusion. Il y a certes des scènes choisies de l’opéra créé par Zad Moultaka et Larry Tremblay, mais ce n’est pas une enfilade d’extraits présentés comme la bande-annonce d’un spectacle à venir. Les scènes deviennent l’extension de l’imaginaire de Mikaël, personnage de l’opéra et auteur de métier. Elles se présentent comme autant d’épisodes qui se développent et se construisent dans l’imaginaire de cet auteur, incarné par le comédien Sébastien Ricard. Le résultat nous apparaît comme un regard sur l’art en temps de pandémie, comme une prise de position pour la suite des choses, comme un manifeste en faveur de la création, face aux troubles du monde.

 Exit les artifices du théâtre. Les chanteurs et chanteuses évoluent avec quelques éléments de costumes et quelques objets, mais ils prennent place sur scène et dans la salle du Monument-National, dans un espace vide, sans décor. Il ne s’agit pas de représenter l’œuvre, mais bien de l’incarner dans ce vide, de faire naître les idées, d’entamer le travail de l’imagination. C’est une mise en abyme à plusieurs niveaux : l’œuvre dans l’œuvre, mais aussi l’opéra dans la vie, dans notre vie, dans la réalité des artistes et du public actuel.

 Certes, ce parti pris fait en sorte que l’histoire de L’Orangeraie nous échappe. Les extraits nous dévoilent des personnages et des bribes de leur destin, mais ce n’est pas assez pour en comprendre les ressorts dramatiques. C’est néanmoins assez pour nous donner envie de découvrir ce nouvel avatar de l’œuvre de Larry Tremblay, qui a d’abord été un roman, puis une pièce de théâtre, avant d’épouser la forme lyrique. Il faudra donc attendre un peu pour que cette nouvelle création se dévoile complètement à nous.

 Cette attente mettra certes notre patience à l’épreuve, car les extraits choisis laissent présager une œuvre forte et dense. La musique de Zad Moultaka est chargée de cette tension et de cette agressivité que le livret de Larry Tremblay colporte. L’auditeur y découvrira des scènes d’une violence écrasante, mais aussi des moments d’une troublante beauté, tout comme des passages aux atmosphères évocatrices. Son esthétique, qui fusionne les cultures musicales de l’Occident et du Moyen-Orient, est ancrée dans une contemporanéité qui sied bien au drame.

 Nous découvrons dans ces extraits une distribution solide d’où se démarque la soprano Stéphanie Lessard, tant par son chant que par son jeu, notamment dans une scène essentiellement instrumentale à l’émotion déchirante. Le baryton Geoffroy Salvas offre aussi une performance prenante et sensible qui impressionne par sa puissance théâtrale et musicale. L’écriture vocale offre un bel écrin aux mots de Tremblay en dosant habilement les récitatifs et les épisodes plus lyriques. Quant aux musiciens et musiciennes du Nouvel Ensemble Moderne, ils sont à la hauteur de leur réputation : impeccable techniquement et toujours précis dans l’interprétation.

D’ici la création de L’Orangeraie, ce « prélude à l’opéra » se découvre comme une œuvre en soi, bien plus qu’un hors-d’œuvre avant le plat principal ! Il expose la force de l’art tout comme il témoigne des temps troubles que nous vivons.

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« Prélude à l’opéra » 
Extraits de L’Orangeraie, opéra de Zad Moultaka sur un livret de Larry Tremblay

INT : Nicholas Burns (contre-ténor), Geoffroy Salvas (baryton), Stéphanie Lessard (soprano), Jacques Arsenault (ténor), Arthur Tanguay-Labrosse (ténor), Stéphanie Pothier (mezzo-soprano), Dion Mazerolle (baryton), Dominic Veilleux (baryton-basse), Sébastien Ricard (comédien)
DM : Lorraine Vaillancourt
MES : Pauline Vaillancourt
ORC : Nouvel Ensemble Moderne (NEM)
Production : Chants Libres
Réalisation : Pauline Vaillancourt et Manuel A. Codina

Webdiffusion du 21 au 24 janvier 2021

Production
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