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ACTUALITÉS- La Flambeau de David Bontemps : une heureuse initiative lyrique de l'Orchestre classique de Montréal

ACTUALITÉS- La Flambeau de David Bontemps : une heureuse initiative lyrique de l'Orchestre classique de Montréal

Le compositeur David Bontemps
Photographie : Yves Renaud

C’est au tour de l’Orchestre classique de Montréal (OCM) d’initier un projet d’opéra de chambre et de s’associer à la compagnie BrottOpera de Hamilton pour faire naître la première œuvre lyrique du compositeur David Bontemps. Haïtien de naissance et Québécois d’adoption, le pianiste de formation a décidé de mettre en musique l’histoire tirée d’une pièce de théâtre qui l’avait complètement subjugué, celle de son ami, l’écrivain, poète et dramaturge haïtien, vivant aujourd’hui en Martinique, Fauber Bolivar.

Paru en 2013 et couronné du Prix spécial du jury Henri Deschamps en 2014, La Flambeau est une pièce en huit tableaux et six personnages, réduit par le compositeur à sept tableaux et quatre personnages. Se déroulant selon toute vraisemblance en Haïti, l’action met notamment en présence un père, une mère, et la Mademoiselle, cette dernière étant sous la protection de son parrain Ogou, un Loa, célèbre pour sa vaillance guerrière et sa fertilité.  

Tiré de la pièce et construit par le compositeur lui-même, le livret cherche à illustrer les aspirations et frustrations des nouvelles générations et met en lumière le déficit d’amour, d’affection et de compassion de nos sociétés contemporaines. Il y est question, de vol, de viol, de République et de morts-vivants. L’opéra s’inscrit ainsi dans l’air du temps et présente des thèmes forts de l’actualité, notamment des droits des femmes et de la justice sociale, par le biais de la dénonciation, de l’objectification, de la manipulation ainsi que du respect et de la compassion. 

Rencontré lors d’un atelier se déroulant dans les locaux de la Fédération nationale ukrainienne de Montréal où, sous la direction de Boris Brott, les instrumentistes et les solistes apprivoisent leur partition lors d'un atelier de création, le compositeur David Bontemps dit s’être attaqué au genre lyrique, inspiré par d’autres œuvres et compositeurs lyriques qu’il affectionne particulièrement – et dont la diversité surprend, qu’il s’agisse de Pelléas et Mélisande de Debussy, Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók ou Cavalleria Rusticana de Mascagni. Ayant déjà écrit pour la voix, le compositeur a cherché à bien décrire en musique le drame que vivent des peuples et des personnes qui sont en détresse, en Haïti, mais aussi ailleurs dans le monde, car les thèmes abordés dans l’œuvre ont un caractère véritablement universel.

L’une des interprètes, la soprano Suzanne Taffot, dit avoir été séduite par l’écriture de David Bontemps qui n’est pas particulièrement exigeante au plan vocal, mais qui l’est au plan de l’interprétation. Dans son rôle de Mademoiselle et de la jeune femme qui a été victime d’un viol, elle se propose de vivre intensément ce personnage qui, en dépit de la vie tragique qu’est la sienne, fait preuve de fortes croyances… qui sont des espérances. Elle ajoute que David Bontemps a aussi composé des mélodies qu’elle aimerait bien chanter un jour.

Camerounaise d’origine, Suzanne Taffot se sent privilégiée d’être associée à une œuvre à laquelle prennent part d’autres artistes afro-descendants, comme la mezzo-soprano Catherine Daniel d'ascendance trinidadienne ainsi que le ténor Paul Williamson et la basse Korin Thoma-Smith qui sont l’un et l’autre d’origine jamaïcaine. La création de l’œuvre s’inscrit d'ailleurs dans une démarche de l’OCM et de son directeur général Taras Kulish qui vise à favoriser la diversité et faire briller les talents de toutes les communautés.

La création de l’œuvre est prévue en février 2023 à Montréal, durant le Mois de l’histoire des Noir·e·s. L’opéra sera ensuite présenté à Hamilton. Une année et demie nous sépare donc de la création d’une œuvre qui est, selon son compositeur, un hymne à notre humanité commune et à laquelle on souhaite le plus beau des parcours. 

 Boris Brott
Chef et directeur artistique de l’Orchestre classique de Montréal
21 septembre 2021
Photographie : Daniel Turp

* Le professeur de droit signataire du présent article ne peut s’empêcher de faire mention du fait que le compositeur David Bontemps est juriste de formation, tout comme l’auteur de la pièce La Flambeau Fauber Bolivar qui fut le camarade de classe du compositeur à la Faculté de droit de Port-au-Prince…. et que Suzanne Taffot pratique le droit à Montréal en parallèle avec sa carrière lyrique !


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